26/01/2009

AUBE, la Saga de l'Europe, II-010

Comme chaque année, ils iraient partout répétant ces paroles, et les autres castes, en particulier les guerriers, les artisans maudits et certains riches éleveurs écouteraient leurs objurgations d'un air entendu, leur faisant comprendre que s'ils étaient tout à fait d'accord pour fournir le minimum requis pour les sacrifices, c'était, pour le reste, « Chante, bel oiseau, tu n'auras rien de plus ! » Il faudrait une catastrophe ou un besoin pressant de l'aide des dieux pour ne pas faire appel en vain à leur générosité. Mais tout allait bien en ces temps, et l'intervention des prêtres n'était pas souvent nécessaire. Pourtant, un jour viendrait...
Il avait cependant beaucoup appris du discours inaugural, avec ses routinières récriminations sur l'impiété et ses regrets qu'elle fût sans remède. Le ton en avait été encore plus amer que lors des précédentes rencontres. Il y avait eu des allusions qui le faisaient frémir, et les autres avec lui. Ses mots serait un miel sans pareil, plus doux encore après l'absinthe de leur abaissement actuel. Il demanderait à parler parmi les premiers. Le cœur encore serré, ceux qui l'entendraient, tout auréolé de ses visions et de ses certitudes, en ressentiraient une immense joie. S’ils le proclamaient maître oracle du premier rang ? Il n'y avait au-dessus que le grand Oracle... si vieux.
Il obtint sans peine la parole. Après l’avalanche de mauvaises nouvelles, peu d'oracles itinérants avaient envie de s'exprimer. Les rares avant lui n'avaient qu'ajouté à la morosité ambiante. On les avait écoutés, tristesse au cœur, visage morne, oreilles flétries des malheurs annoncés. Il se leva. Il parla. Leurs voix étaient geignardes. La sienne résonnait comme un bel airain. Ses mots réveillèrent les âmes plongées dans le torpide sommeil de la désespérance.
– Au cours de mes voyages, les dieux m'ont favorisé de deux messages propres à nous réjouir. Jamais ils n'ont été aussi éloquents, jamais leurs paroles n'ont eu une telle force. L'évidence de leurs signes est si puissante qu'elle écrasera sans recours ceux qui oseraient douter, fussent-ils guerriers gheslom nerom ghwenes, tueurs de mille seigneurs. Voici ces signes de joie : Jamais l'ennemi ne démembrera notre peuple. Nous serons maîtres d'un immense empire du côté où se couche et dort le soleil.
– Il y a-t-il eu le délai suffisant entre les deux ?
– Oui, bien sûr ! (« À y bien réfléchir ? Oui, les dieux ne m'auraient pas laissé tromper mes pairs, à moins que je n'aie parlé que sur leur suggestion. ») Me crois-tu un oracle ignorant ?
– Loin de moi l’idée... Loué sois-tu pour ta vision, frère béni des dieux !
Les autres applaudirent. La voix cassée du grand Oracle, autrefois si clairvoyant, et qui désespérait de voir revenir ce temps, s'éleva.
– Reggnotis, maître oracle du premier rang, réjouis nos cœurs en nous les contant.



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