03/03/2009

AUBE, la Saga de l'Europe, III-10


« Je suis trop influençable ! » Méritait-il d’être roi s’il ne considérait un projet comme réalisable que lorsqu’un autre le soutenait et parlait le dernier en sa faveur ? Il ne pourrait mener à bien son projet qu'avec le soutien des siens. Etre ainsi prisonnier de ses hommes ou, pire, de celui de ses conseillers qui parlerait le plus fort ! Il en voyait tous les inconvénients. Cette faiblesse l’exposait à la surenchère. Il suivrait le plus véhément, le plus ardent, le moins sage. Peut-être même, de peur anticipée, se livrerait-il à des gestes fous, ou élèverait-il des prétentions démesurées, pour prouver aux siens qu’il méritait d’être leur roi. Il paierait sa volonté de réconciliation en montrant envers Kleworegs, au moindre signe d’insuccès, une haine qu’il ne ressentait pas. Chaque geste aimable du haut roi se heurterait à une attitude hautaine. Il accepterait son amitié, mais en la faisant payer au plus haut. Peut-être, alors, voyant Kleworegs humilié par lui comme un vieillard malpropre par une servante rusée, ses hommes l’admireraient et, satisfaits d’avoir été les plus forts, ne haïraient plus leur haut roi... Comme si le mépris valait mieux que la haine. Faire l’union de tous était une belle résolution... La tiendrait-il, et à quel prix ?
Il s’endormit. Il rêverait que les dieux lui donnaient ce caractère qui lui manquait. Il pria que le rêve se réalise. S’ils avertissent les hommes et leur dictent le bon chemin, pourquoi n’auraient-ils pas la vertu de modeler qui les reçoit ? Il n’y aurait rien d’étonnant à ce nouveau pouvoir.

Hormis les sentinelles s’enivrant aux parfums de la nuit, le sommeil vint coucher tous ceux du Printemps Sacré. Influencés par les douces fragrances, les rêves furent emplis de visions idylliques, avant-goût du monde que ceux qui ont bien vécu sont admis à fouler dans l’au-delà. Au matin, chacun se réveilla, le cœur léger. Les ennemis de Kleworegs eux-mêmes semblaient apaisés, assagis. Ils en arrivaient presque à sourire aux hommes des autres clans. Plusieurs de ses guerriers vinrent lui rapporter le fait. Il ne douta plus, dès lors, que son projet serait bien reçu par le successeur de Thonronsis. Il prit sa plus belle fourrure, ses torques de cou et de poignets les plus lourds. Il se dirigea vers son camp, saluant ses hommes abasourdis par sa venue. Il se fit annoncer au jeune roi.
– Kleworegs veut me voir ? »

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