24/03/2009

AUBE, la Saga de l'Europe, III-29

Il continua à visiter le camp. D'autres hommes montaient une estrade. Au plus haut du soleil, il y sacrifierait aux dieux pour les remercier d’avoir donné cette terre nouvelle à son peuple. La pluie ne menaçait pas. Ils n'avaient pas installé un dais pour protéger la tribune, mais elle était, pour le reste, semblable à celle d’où il avait présenté aux siens le signe le désignant comme le meneur des cadets d’Aryana. Il alla voir le prêtre qui en dirigeait le montage... Que des bandes blanches, rouges et noires soient accrochées tout le long, et que les bannières des différents clans soient installées tout autour, comme en une garde. Toutes les castes, tous les clans, communieraient ainsi dans la même joie.
Le prêtre approuva. Il ergota qu’il n’était guère utile de mettre beaucoup de bandes noires, symbole des producteurs, mais Kleworegs tint à ce que chacun ait une représentation égale. Pâtres, agriculteurs, artisans, ceux qui produisaient et s’occupaient de la subsistance n’étaient plus une force négligeable. Si le gibier était rare, si le pays qu’ils allaient parcourir était vide, ils seraient même indispensables. Disposer à demeure de terres fertiles et de gras troupeaux était nécessaire tant qu’on ignorait les ressources du Printemps Sacré.
Il ne donnerait pas, de peur de paraître blasphémer, les raisons de son insistance. Il ordonna, le prêtre s’inclina. Et si sa désignation par les dieux en avait fait un être au-dessus des lois ? Si c'était ceux qui doutaient de lui, et s’élevaient contre sa volonté, qui étaient blasphémateurs et sacrilèges ? C’était si tentant à croire... mais peut-être, aussi, les dieux, jaloux des mortels quand ils manifestent leur puissance, guettaient-ils son moindre faux pas. Il devait encore respecter leurs lois. Le prêtre revint.
– Le soleil approche de son plus haut, Kleworeg !
– Je suis prêt. Je vais monter sur l’estrade, pour parler à tous, sitôt que vous aurez fini ce que j’ai demandé. Les porteurs de bannières arrivent. Installe-les, et fais attention que celle de Belonsis ne soit pas devant toutes les autres. Amène ensuite les bœufs pour l’hécatombe... et ne les confond pas avec ceux que j’offre pour le mariage de ma fille. Tu reconnaîtras les bons aux rubans autour des cornes.
– Je sais où paissent les bovins pour le sacrifice. Et toi, as-tu bien vu comment frapper avec le marteau sacré pour la mise à mort du cheval que tu vas dédier aux dieux ?
– Oui, et j’espère que les prêtres qui sacrifieront en même temps que moi sauront aussi bien s’en servir. Il ne faudrait pas qu’un de mes guerriers doive achever une de ces victimes, ou qu’un taureau blessé, furieux, s’échappe et piétine nos hommes.
– C’est que les dieux ne les auraient pas jugés dignes d’être des nôtres.
– Si les dieux jugent un homme indigne, c’est ma bouche qui le proclamera !
 

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