30/03/2009

AUBE, la Saga de l'Europe, III-35

Ils arrivèrent au pied du char qui allait les mener à son camp. Elle y grimpa, plus poussée par son père que de bon gré. Kleworegs soupira. Il lui en voulait de montrer aussi peu d’enthousiasme. Et si, au-delà de la mauvaise humeur ou de la mauvaise volonté, elle avait senti dans cette alliance un danger qui frapperait bien plus loin que sa petite personne ?
« Non, elle m’en aurait parlé... à moins qu’elle n’ait pas trouvé les mots. L’interroger ? Trop tard ! Elle va vers son destin, et nous aussi, et rien ne pourra nous en détourner. »
Elle se tourna vers lui. Il se força à sourire. Il semblait mendier une parole. Elle resta coite. Elle n’avait rien à dire, que son refus qu’il la marie comme on troque une vache. Non, elle n’avait aucune révélation, aucun savoir secret reçu des dieux (mais les dieux, à l’exception de Maga Mater, parlent-ils aux femmes ?)... rien que le sentiment du mépris de son honneur. C’était un langage que Kleworegs pouvait comprendre, mais l’honneur de son clan prévalait sur celui de sa fille, tel qu’elle le concevait.
Il grimpa à son tour sur son char, et se mit en route. Ses pâtres devaient avoir commencé à mener le troupeau de la dot vers les pâturages du clan de Belonsis. Il arriverait chez son futur gendre en même temps que lui, belle preuve du respect de ses engagements.
 Il ne voyait pas son visage. S’il l’interpellait, qu’elle se retourne. Il se retint. Il n’avait pas envie, pendant qu’il pensait aux perspectives qu’allait assurer son mariage, de se heurter à sa figure morose et renfrognée... d’ailleurs, quelle importance ! Il était bien sot de croire que Belonsis s’offusquerait devant son hostilité. L’alliance, seule, l’intéressait. Elle n’était pour lui qu’un gage ou un otage. On ne demande pas à un otage de sourire à ses geôliers.
 « Voilà à quoi je t’ai réduite, toi, ma fille préférée... un otage... non, un peu plus qu’un otage, mais guère. Oui, tu peux me haïr. Mais je l’ai fait pour nous tous. Ceux du Printemps Sacré ne doivent faire qu’un. Tu es le garant de cette union. »
 Elle jeta un regard en arrière. Elle vit son visage. Elle sourit.
 « A la bonne heure ! Elle en a pris son parti ou a compris son intérêt. Je n’aurai pas la honte de l’amener à Belonsis comme une prisonnière. »
 Permi s’était à nouveau retourné, et regardait droit devant. Elle souriait toujours. Elle avait vu, un bref instant… de bonheur, son père souffrir.

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