29/03/2009

AUBE, la Saga de l'Europe, III-34


– Belonsis t’attend !
Kleworegs venait d’entrer dans sa tente, où sa fille guettait sa venue. Jusque là, elle avait cru, ou voulu croire, qu’il ne lui imposerait pas ce mariage détesté, mais l’instant était arrivé. Vendue, elle était vendue, traitée plus bas qu’une servante attachée à une famille, qui reste sa vie durant dans la même maison. Toute sa rancœur lui revenait. Elle se sentait proche de la nausée. Si elle avait mangé, comme son père et tous ceux qui la harcelaient le lui avaient conseillé, elle aurait tout vomi, souillant son vêtement fait du tissu brillant et inconnu pris au trésor du clan.
(« Il aurait mieux valu, tiens, la honte serait sur lui... »)
Rien ne venait. La boule qui montait et descendait dans sa gorge ne faisait que la rendre muette. Elle avait la bouche mi-ouverte d’angoisse, et son instinct la poussait à la fermer chaque fois qu’elle se sentait le cœur au bord des lèvres, malgré l’envie contraire qui la tenaillait.
– Alors, tu viens ? Tu veux me faire honte ?
« Oh oui, je le veux, que l’homme que tu me destines se dégoûte de moi, et renonce à me posséder jamais... Et puisse alors cette honte que tu crains tant t’étouffer comme la peur que je ressens ! » Elle s’avança. Les animaux sacrifiés marchent ainsi à la mort... non, trop heureux, ils n’ont pas reçu l’esprit pour imaginer ce qui les attend. Ils y vont sans inquiétude. J’aimerais mieux être à leur place, ignorant mon destin.
– Tiens-toi plus droite, et couvre ton visage. Ton mari sera le seul homme à le voir, maintenant.
Toujours muette, elle avançait, en somnambule. Son corps semblait suivre ses pieds. Quelle honte si elle se présentait ainsi devant son mari, avec cet air résigné-renfrogné qu’aucun homme sensé ne pouvait accepter d’une épouse ! Il bouillait. Son honneur était en jeu. Quelle alliance ferme espérer d’un roi à qui il donnait un tel ennemi domestique ? Rien qu’à voir ses traits chargés de haine découragée, il crierait à l’abus de confiance.

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