19/12/2011

AUBE, la saga de l'Europe, 261

Il me présenta le k’rawal dans son coffret pyrogravé qu’il avait jusqu’alors tenu caché sous un tissu vermeil. Je l'admirais. Il me conta ensuite son aventure avec l’étrange captive qui gisait dans le chariot derrière nous. Je lui dis mon désir de la voir avant de l’inhumer...
... Il fit un signe à deux compagnons. Ils y entrèrent et en sortirent son cadavre. Même morte et dans l’état où les sévices des brigands l’avaient mise, on voyait qu’elle avait été belle. Le nombre et l’unité des bijoux trouvés dans le véhicule où elle avait été retenue prouvaient son haut rang chez les siens. Je lui demandai de répéter son récit. Quand il m’eut expliqué qu'elle lui avait donné le coffret et son contenu, je l’arrêtai. À moi aussi, les dieux venaient de faire une révélation. Ce que je lui dis, paroles des dieux passant par ma bouche, je vous le répète. Je ferai de même à tous ceux que je verrai, et même à ceux de Kerdarya, si je les rencontre. Écoutez :
“ Cette princesse en son pays, pour te récompenser de l’avoir sauvée des Muets et lui avoir permis une mort honorable, t’a confié l’image de son dieu. En la mettant sous ta garde, et pour que tu la venges, elle t’a institué son protecteur. Elle a mis sa terre sous ta tutelle, pour que ton peuple en prenne possession un jour... En vérité, le temps viendra, où il en sera ainsi. ”...
... Il n’en fut pas peu fier. Il le fit savoir à tous ceux autour de lui, puis à tous, à mesure qu’ils arrivaient. Tous se réjouirent de cette terre nouvelle à nous promise. Nous enterrâmes comme un haut roi celle qui nous avait fait, pour l'avoir libérée de sa captivité honteuse, un tel legs...
... Nous mîmes d'abord en terre nos rares morts. Nous les honorerions comme il se doit au cimetière du wiks. Nous fîmes ensuite creuser par nos captifs une fosse pour l'accueillir, avec de nombreux corps de Muets pour l’escorter dans l’au-delà. Nous dépouillâmes nos ennemis, recouverts de superbes fourrures et non de leurs habituelles peaux de rats. Un guerrier m’appela. La verge du chef de la horde avait été mordue profond. Voilà pourquoi ils avaient brisé toutes ses dents. Cette insulte et ces brutalités nous révoltèrent. Pour venger cette offense aux dieux de la fécondité, nous ferions un sacrifice expiatoire...
... Nous commençâmes par l'inhumer, bras en croix, coudes pliés vers le haut. À ses pieds, nous installâmes les cadavres de Muets. Tout autour de sa tête, nous plaçâmes plusieurs têtes coupées. Nous lui en mîmes aussi une dans chaque main, si bien qu’elle semblait jongler avec les crânes de ses tortionnaires, et deux sous les pieds, qu'elle les écrase à jamais. Pour compléter l’offrande aux dieux irrités, je fis creuser huit trous profonds et, après avoir choisi huit blessés ennemis qui ne survivraient pas, les fis lier et mettre en terre, la tête seule dépassant. Ils contempleraient la tombe de celle à qui ils étaient sacrifiés...
... Nous partîmes alors, et – maintenant que je vous en parle, je viens de me le rappeler – j’oubliai d’achever les blessés enterrés autour de sa dépouille... Suis-je distrait, tout de même ! ... Pour l’avoir torturée à ce point, ils méritaient de rester à méditer sur leur crime. Ils ont compris, pendant le temps qu’ils ont mis à mourir, que la guerre a des lois... Au fond, peut-être n’étaient-ils que des brigands ?…
... Peu après, nous retrouvâmes les nôtres. Nous présentâmes à nos anciens captifs, qui n’avaient cessé d’être au bord de la révolte, les nouveaux. Quand Egnibhertor leur eut expliqué qu’ils étaient tout ce qui restait de la grande horde, ce bétail grondant et insolent, que ses gardiens avaient dû maintenir entravé pendant notre absence, tant ils craignaient qu’il ne se soulève et ne les massacre, devint plus sage et tremblant que des agneaux tondus sous la pluie. Il ne fut plus que servile obéissance. C’est ainsi, avec plus de captifs que jamais, et le plus beau butin que nous ayons jamais récolté, que nous retournâmes parmi vous.

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