05/01/2009

AUBE, la saga de l'Europe. Livre II, 003

Il avait été bien souvent appelé pour résoudre des énigmes et interpréter des rêves, deviner si telle et telle vision avait une source divine, ou était née d'excès de cervoise ou de venaison, de la maladie, ou était simple affabulation. Il lui fallait vérifier si ce que des petits prêtres, peu instruits des arcanes de la divination, avaient considéré comme des présages ou des signes en étaient, ou s'ils n'avaient pas été plus à même que les autres de reconnaître un message d'une simple illusion. C'était le plus souvent le cas. C'était fou le nombre de gens en quête d'un oracle pour interpréter les visions dont ils avaient, ou bien plus souvent croyaient avoir, été gratifiés. On ne comptait pas non plus les prêtres qui estimaient, en toute bonne foi, avoir reçu un avis des dieux concernant l'avenir et la gloire d'Aryana. Sceptiques devant les prétentions des autres castes à avoir été distingués par le divin, et tentant de les persuader qu'ils avaient rêvé, ils prenaient très au sérieux ces mêmes pseudo avertissements adressés à eux, et obligeaient les augures à venir sans cesse vérifier si les dieux leur avaient parlé. Les sabots usés de son cheval en témoignaient.
Mais les dieux ne favorisaient aucune caste. Le plus souvent, ils avaient pris un misérable songe dépourvu de tous sens et raison pour une révélation, ou un tout petit écart au train-train pour un prodige au retentissement universel. Trop de prêtres étaient mal formés. Un oracle se déplaçait trop souvent pour entendre des platitudes ou constater que les miracles annoncés étaient tout naturels. Seul un esprit mal instruit les avait jugés étranges et hors de toute norme.
Quand il avait été appelé dans ce village où il se tenait à leur écoute, il avait soupiré, avec le fatalisme de l'habitude. Il se verrait encore une fois mis devant le routinier fait accompli d'une anodine ineptie. Il s'était pourtant dérangé, comme le commandait son devoir, mais son zèle faisait peur à voir. Une nouvelle déception l'attendait ! Jamais il ne rencontrerait un homme à qui les dieux eussent parlé. Sa vie durant, il courrait de village en village, à l’affût d'un message divin, pour ne jamais l'entendre. Il connaîtrait tout Aryana avant de pouvoir s'élever.
Cette fois encore, il se dirigeait vers un nouveau lieu inconnu, dans un mélange d'espoir d'y rencontrer son étoile et de certitude presque totale d'être déçu derechef. Chaque fois qu'il était allé vérifier les allégations d'un prêtre, il n'en avait jamais eu la confirmation. Rien n'en restait, ni de ce qui avait été à leur origine. Tout était songe creux. Pourquoi cela changerait-il ?

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