08/02/2009

AUBE, la Saga de l'Europe, II-22

... Le maudit me regardait, goguenard. Il avait la réputation d'aimer les hommes. Je ne pouvais m'empêcher de me sentir souillé par son regard. Je lui montrerais mon mépris, et lui prouverais que je comptais pour rien ses menaces. Je pris le couteau sacré :
« Je vais faire devant toi un sacrifice qui sera à ce point agréable aux dieux que, fussent-ils privés ensuite, pendant une génération, de tout don, ils nous favoriseraient encore. »
... Son regard s'assombrit. Que j'aie trouvé aussi vite une parade à un plan qu'il avait sans doute mis des lunes à établir, et qu'il croyait sans faille, était pour lui un choc. Sa goguenardise se fit curiosité inquiète. Avait-il cru pouvoir sans risque s'attaquer au sacré ? Il en revenait. Je me dirigeai vers l'autel où je sacrifiais à la triade divine que nous invoquons quand il faut prier pour tous ceux d'Aryana. J'y jetai de quoi alimenter la flamme. Elle devint plus haute et plus incandescente. Il me regardait, bouche bée. Il n'y avait autour de nous rien qui puisse être sacrifié... Je fis l'oblation. Il devint livide. Il claquait des dents. Il s'enfuit. Depuis, malgré sa haine envers moi, qui n'a pas désarmé, j'ai toujours eu en abondance à immoler et à dédier aux dieux... Il n'empêche... Il me les paiera, ces deux doigts !

... Il s'était souvent étonné du respect que même les prêtres les plus sages lui témoignaient. Il ne lui sembla plus étrange. Il ne s'étonna plus de sa haine vigilante à l'encontre du roi des rois, et approuva sa volonté de vengeance. Faire couler le sang d'un première caste est un sacrilège et se doit payer. L'heure en était proche. Il saisit aussi pourquoi il l'avait désigné pour succéder à son maître. Il avait reconnu en lui l'instrument des dieux, celui du sursaut de leur caste, celui de sa revanche. Conscient qu'elle ne pouvait plus être différée, il demanda à se retirer. Il était prêt à partir à la recherche de celui qui faisait parler choses et bêtes.
– Non, reste ici pour entendre les rapports sur ce qui se passe dans les terres de l'imposture. Tu me seras plus utile ainsi... Et dis-moi, dans tes voyages, as-tu entendu parler d'un ermite qui fait parler ceux à qui les dieux ont refusé la parole ?
– Non, mais interroge les autres oracles. Tu devrais avoir ta réponse.
– Occupe-t-en. Je vais, moi, appeler nos messagers les plus sûrs. Les dieux nous assisteront, puisque nous nous battons pour eux. Rien n'est impossible avec leur aide. Nous trouverons notre homme !

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