03/08/2009

AUBE, la saga de l'Europe 225

Le messager reposait sur une couche rigide. Il l’avait préférée, alléguant ses courbatures, à l’épais tas de fourrures proposé. Il dormait. Les préparatifs pour se rendre à Kerdarya menaient bon train, sans le réveiller. On désignait la délégation porteuse du joyau d’ambre. Chacun criait, dans une forte émulation, voire une féroce rivalité, pour en être. Kleworegs emmènerait les plus vaillants. Décision malvenue ! Chacun s’était senti concerné. Il aurait dû y penser. Tous ses vétérans excipaient de titres suffisants pour réclamer ce privilège.
Il devait choisir. Il les convoqua l’un après l’autre. Qu’ils déclinent leurs titres de gloire, leurs victoires, le nombre de leurs victimes !
Chacun vint parler de lui, et dire combien d'ennemis il avait fauché. Pour l’évaluer, on se fondait sur l’âge et la vertu des vaincus. La mise à mort d’un novice ignorant si un glaive se tient par la lame ou la poignée et celle d’un vétéran qui n’arrive plus à compter ses victimes, celle d’un guerrier en pleine force de l’âge et celle d’un vieillard qui a décidé de mourir au combat plutôt que de sombrer dans les abysses grisâtres de la sénilité, n’avaient pas même valeur. Le vainqueur d’un homme jeune et vigoureux, capable d’engendrer de nombreux fils, avait débarrassé son peuple de dix d’entre eux. Qui triomphait d’un guerrier dont la lame avait pris la vie de ses frères privait, selon leur valeur, les forces hostiles de vingt ou trente hommes qui ne menaceraient pas les générations à venir. Qui avait tué un homme trop âgé pour espérer encore enfanter ou un poltron à la semence stérile en guerriers n’en avait ôté à l’ennemi qu’un seul. Ils n’en eussent fait mention s’il ne s’était agi de fournir le nombre le plus élevé possible... Ç'eût été rageant de rester pour avoir omis un combat mésestimé. Cette vengeance pied de nez posthume d’un pleutre qui ne méritait que mépris aurait eu un goût trop amer.
Les bilans, inouïs, de cent ou deux cents Muets tués se succédèrent. Le soir, on désigna trois mains d’hommes. Leurs exploits les rendaient dignes d’accompagner avec honneur le Joyau. Avec eux viendraient les patrouilleurs, pressés, la mauvaise saison arrivant, de retrouver leurs foyers. L’un d’eux était déjà parti, sur la requête du messager. Il annoncerait son prochain retour avec la gemme sacrée et ses inventeurs.

01/08/2009

AUBE, la saga de l'Europe 224

Il le prit et le frotta contre une étoffe très souple. Il l’approcha d’un petit tas de poils de loup. Ils vinrent s’y coller. Le messager n’avait pas manqué le moindre détail. Il les regarda sauter en l’air et s’amasser sur la pierre d’or limpide.
– Dyeou Pater ! ... Elle est bien sacrée. C’est le cœur de notre peuple que tu tiens entre tes mains. Plus de doute ! Tu as notre talisman le plus saint. Ton avenir sera grand entre les grands.
– Es-tu le bhlaghmen du dieu jour, pour me dire ça !
– Je suis guerrier comme toi, mais je sais ce que pensent nos hauts prêtres et notre roi. Ils cherchaient en vain un signe tangible d’une union plus solide des fils de Dyeus... Et tu l’as trouvé. Que ton nom soit honoré !
– Bhagos t’entende ! ... Ah, il faut que je te demande quelque chose !
– Oui ?
– Où vivent ces gens à qui les Muets ont volé la gemme ?
– Les Swoomes ? Je te l’ai déjà dit.
– Non, je ne pense pas qu'ils soient noirs, comme celle qui nous a confié le k’rawal. Seuls les gens du midi sont brûlés par le soleil à ce point.
– Tu poses de ces questions ! Qui se soucie des sources d’un beau butin, surtout emporté de haute et vive lutte ? Quelle idée !
– Comment ! Qui s’en soucie ? Cette captive, par ce don, nous a désignés comme les futurs maîtres de son peuple, pour l’avoir délivrée là où il l’avait laissée en servitude. Je veux connaître la source de ce butin pour aller m’y servir. Un royaume aussi riche sera un beau but de conquête... Et cette terre des Swoomes nous revient aussi. Notre joyau y est né.
– Oui, les dieux ont bien choisi en faisant de toi l’inventeur de la pierre-soleil. Comment ai-je été assez stupide pour penser qu’ils auraient pu se tromper, et laisser un homme dépourvu de sagesse s’en emparer !
– Tu es fatigué, c’est tout. Va te reposer. Je m’occupe de notre départ !