02/02/2009

AUBE, la Saga de l'Europe, II-16

Reggnotis avait écouté son maître à qui – juré ! – il succéderait un jour. N'avait-il pas donné devant les plus hauts porteurs de lin une nouvelle preuve de sa sagesse et de son habileté à interpréter la volonté des dieux. S'il comprenait l'irritation du premier prêtre des Jumeaux de la Nature face à la tentative d'usurpation dont il était l'objet, les causes de leur haine envers le roi des rois lui échappaient encore. Il ne la partageait que par routine et solidarité. Il aurait des éclaircissements sur son origine. Il en saurait plus sur leur ennemi, mais aussi sur les prêtres et, le plus important à ses yeux, sur son avenir. Il releva la tête et demanda au premier bhlaghmen de l'éclairer sur l'histoire de ces singulières et mauvaises relations.
– Vu les hautes fonctions qui t'attendent, je me ferai un plaisir de tout t'expliquer, après cette réunion. Tu resteras avec moi pour l'écouter. Avant, il faut trouver le moyen de mettre fin à la sacrilège imposture qui se trame contre nous.
– Oui, et vite !
Le prêtre de la fécondité venait d'intervenir. Même intéressée, son objurgation était de bon conseil. Chacun réfléchit dans son coin. Le silence dura. Il n'était pas si facile de trouver une idée. Enfin, le vieil oracle demanda la parole :
– Comme on a agi autrefois, il faut agir en ces jours ! Trouvons un homme capable de faire parler les êtres et les choses, et confrontons-le au prêtre qui veut se moquer des dieux.
– Crois-tu que ça marchera ? Nous n'aurons pas devant nous un sorcier de basse extraction, mais un des nôtres, même dévoyé.
– Oui, mais les démons parlent par sa bouche. Par la bouche de celui que nous enverrons parleront les dieux. Nous vaincrons à coup sûr.
– En attendant, il nous faut trouver quelqu'un qui en soit capable.
– J'en connais un... J'en connaissais un, plutôt. Je ne sais ce qu'il est devenu depuis plusieurs saisons.
– Un prêtre chasseur de maléfices ne disparaît pas comme neige au soleil. Quelqu'un saura où il est.
Le vieil oracle intervint.
– Je vais me renseigner au plus vite. Je vois de qui vous voulez parler. Si j'avais pu imaginer un jour qu'il nous serait utile ! Je vais être honnête, il n'a pas d'autre talent.
– Qu'importe, s'il le possède à fond, je n'en demande pas plus.
– Et il boit, il boit. Une cruche sans fond serait plus vite remplie que lui.
– Qu'il fasse ce qu'on lui demande, j'installerai pour lui, s'il le faut, une fontaine d'hydromel.
Le vieil oracle se tourna vers le bhlaghmen des jumeaux de la fécondité.
– Pour ta générosité, je ne me fais pas de souci, va. C'est pour son état. Quand il est parti, il ne pouvait aligner trois mots. Comment sera-t-il après plusieurs saisons dans la solitude ?

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