04/02/2009

AUBE, la Saga de l'Europe, II-18

– Tu seras un jour dans le conseil des prêtres, pour discuter avec tes futurs pairs de notre avenir. Tu m'aideras de tes conseils et de tes visions. Mais tu as beau être augure, certaines choses te sont inconnues, ou t'apparaissent dans une brume qui t'en cache à peu près tout. Tu veux savoir les raisons de notre hostilité envers le roi actuel. Écoute son histoire, qui est aussi la mienne. Tu verras que ma haine, serait-elle encore cent fois pire, n'est que bienveillance au regard de l'énormité de sa vie blasphème...
... Voilà près de deux lustres, je devins premier bhlaghmen. J'étais heureux, malgré les curieuses circonstances de mon avènement. Curieuse est faible, d'ailleurs, et si j'étais heureux, j'étais plus encore étonné. Je n'aurais jamais dû parvenir à ce rang envié. Si ma piété et mes qualités m'y désignaient, mon faible savoir m'en écartait. Plus surprenant, mes rivaux semblaient plus soulagés que jaloux. Je passai de l'étonnement à l'inquiétude. Une inquiétude qui enfla quand une des nièces de mon prédécesseur me dit qu'il était mort de chagrin...
... Mort de chagrin. C'était si stupide que je manquai d'en rire. Il y a cent mille façons de mourir, mais je n'aurais jamais pensé à celle-ci. C'était bien d'une femme. Mourir de chagrin ! A-t-on idée ?...
... J'essayai d’en savoir plus. Elle m'avait dit tout ce qu'elle savait. Elle n’ajouta qu’une chose : cette réflexion venait de lui. Oui, elle l'avait entendu se lamenter : « L'irrespect sacrilège envers ma fonction me fera mourir de chagrin ! »...
... Je te l’ai dit, je manquais de connaissances. Pour les acquérir, je m'étais retiré pour méditer et étudier auprès de vieux prêtres pleins de science, mais loin du tumulte de ce monde. En fait, j'ignorais tout de ce qui s'était passé chez les humains cette année-là. Nous n'avions parlé que des dieux. La terre des mortels aurait aussi bien pu ne pas exister. Et voilà – tu comprends pourquoi je t'apprends tout cela, et quel peut être ton avenir si tu es digne de ta naissance – que j'héritais, ignorant tout ce qui pouvait m'aider dans mes rapports avec les autres hauts prêtres et les autres neres, d'un poste qui avait coûté la vie à mon devancier... Je devais savoir les raisons de ce chagrin. Où se cachaient celui ou ceux qui en étaient cause ? Hors de nos rangs, à moins qu'il ne s'agisse d'une brebis galeuse ou d'un familier si ingrat que la douleur de voir ses bontés mal récompensées lui avait fait éclater le cœur. Si ce n'était que cela, je n'aurais guère à m'inquiéter... Le loup guettait ailleurs...

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