24/02/2009

AUBE, la Saga de l'Europe, III-03

Il continua à parcourir le camp. La lune l’éclaira, ses mains s’argentèrent sous sa clarté. Les dieux se manifestaient encore. La Brillante, divinité pourtant hostile aux hommes, le nimbait de sa lumière. C'était un nouveau signe. Il serait aussi aux yeux de ses compagnons Kleworegs argus, au corps brillant comme l’argent, dur comme lui. Cette consécration ne lui apportait rien de plus. Il ne pouvait s’en satisfaire. La Brillante voulait lui faire comprendre autre chose.
S’il allait chercher un prêtre ? Lui saurait ce que la lune cherchait à lui dire. Il chassa cette idée. La royauté était sacrée. Un roi pieux pouvait interpréter les messages divins sans aide. Il revit la lune éclairant le camp des Muets à qui il avait pris le Joyau. Il hocha la tête. Il avait reçu le message, bien doux à son cœur, puisqu’il apporterait plus de victimes à Thonros... en même temps bien amer. Il ne livrerait ici bataille qu’à la toute dernière extrémité, et la Brillante lui livrait un secret qui ne serait utile qu’en cas de conflit. Il ne cherchait qu’à établir les siens dans des fiefs fertiles, à faire alliance avec leurs maîtres actuels et à les aider de son savoir, afin d’apporter la prospérité à tous ses vassaux, et celle qui luit au sein d’Akmon lui promettait de beaux combats. Un prêtre aurait su, mais il était trop tard pour lui demander. Tout s’ordonnerait un jour. La clarté des desseins des dieux, qui dans son ignorance lui paraissaient obscurs, éclaterait. Il ne devait pas chercher à comprendre, mais s’efforcer, docile, de suivre les deux chemins en apparence opposés qui s’offraient ! Si les dieux l’exigeaient de lui, ce n’était pas au-dessus de sa capacité. Ils lui diraient bientôt comment accomplir leur plan.
Kleworegs gwertos, argus, ghwoigwos, kounos, kwitros, Kleworegs le renommé, l’argenté, semblable à l’étoile, l’écarlate, le brillant. Il regarda le ciel nocturne, se répéta tous ces qualificatifs dons du ciel. Il chercha d’autres mots, jusqu’à en faire une litanie, comme dans les grandes gestes des plus nobles héros. Si jamais une épopée lui était consacrée, il ne ferait pas mauvaise figure auprès d'eux. Dans quel hymne trouvait-on la profusion d’épithètes dont son imagination l’avait affublé : Le voilà qui avance face à ses ennemis, Kleworegs à la poitrine de cuivre écarlate, et dont les doigts d’argent lancent des éclairs qui embrasent la steppe ? Dommage qu’il n’ait pas appris tous les secrets de la composition, il aurait composé une geste superbe... Les prêtres le feraient pour lui. Il aurait la meilleure part. Il donnerait un aliment à leur lyrisme.

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