15/11/2011

AUBE, la saga de l'Europe, 231

alba (1).jpgEN ATTENDANT LA SORTIE DE AUBE I EN E-BOOK, DECOUVREZ-LE EN FEUILLETON


HONNEURS ET BLESSURES


La nuit était déjà avancée. Le défilé avait pris fin à la lueur mouvante des torches sous la brise. Fatigués, heureux, ils étaient rentrés dans l’enceinte. Des feux dansaient partout. On célébrait les guerriers à grand renfort de cris joyeux et d’hymnes.
On avait descendu avec précaution les huit blessés gisant, à moitié inconscients, au fond des chariots, et exposé sur les autels les armes des trois tués au combat. À la vérité, seuls deux y avaient péri. Le troisième, blessé à mort, avait souffert deux longs jours enfiévrés avant de les rejoindre. Lui si brave ! ? Cette dure agonie devait châtier une lâcheté tue aux hommes, sue des dieux. Sa mort en avait été moins noble. Son rang près de Thonros serait moins haut. Pourtant, sa lame lui avait expédié plus d’ennemis que celles des deux autres tombés pour le Joyau... Il déciderait. S’il pardonnait cette couardise cachée, cela se saurait un jour...
Il y avait trois morts à déplorer. Il y avait en revanche, pour se réjouir et exulter, abondance de naissances, tant chez les neres que les wiroi. La liesse régnait dans le cœur des arrivants. Certains l'éprouvaient deux fois. Ils accueillaient en leur foyer un nouveau venu.
La plupart seraient dans l’immédiat sans influence. C’était le cas des filles, de ceux qui mourraient en bas âge (Le village avait beau être riche et bien situé, la maladie prenait son lourd tribut.), des stériles, ou de ceux qui n’accompliraient rien qui soit digne d’un chant. Ceux-ci avaient pourtant leur place. À l’âge d'homme, ils engendreraient des fils, pères à leur tour, maillons d’une immense chaîne de médiocres et héros, misérables et puissants, humbles et superbes, dans les générations sans nombre à venir. Au sein de celle-ci, seuls trois compteraient.
Aucun n’était né au retour de son père. Le premier fut, le lendemain, celui du prêtre. Dès qu’il se présenta, les matrones le reconnurent pour un garçon. L’orant récompenserait le porteur de cette bonne nouvelle ! Aussitôt, l’une d’elles se précipita hors de la pièce où la parturiente finissait son travail pour l'avertir.
“ Ton fils est né ! ” Il y avait dans ce bref avis de quoi réjouir son cœur. Cette naissance prouvait le soutien des dieux à son genos. Elle en assurait la pérennité. Sur sa tombe s'accompliraient les obligations filiales. Ses traditions perdureraient. Son fils porterait bien haut, après lui, le nom de sa maison. Si son roi pouvait être aussi heureux ! Qu’il en ait un enfin, après toutes ses filles ! Les dieux ne permettraient pas qu’il n’ait jamais de mâle. Ce serait, sinon, la fin du wiks dépecé, à l’occasion de leurs mariages, en fiefs offerts à ses gendres. Il serait bon qu'il échappât à ce malheur. Pourvu que son intuition ait été juste et que Bhagos ait enfin écouté ses prières. Il sourit. Son roi aussi serait exaucé.
La matrone contempla, réjouie, son évident plaisir. Elle lui précisa, les yeux brillants, ce que tous les pères aiment à entendre : son fils lui ressemblait, était plein de santé, était né coiffé. Cette caractéristique rare était un signe d’élection, marque, dans la première caste, des futurs grands récitants. Le dieu des serments et de la parole ne porte-t-il pas un bonnet ? Les vieillards du clan, le voyant, le lui rappelèrent. Les autres prêtres, joyeux, le confirmèrent. Ce nouveau privilège appuierait leur prestige.

Les commentaires sont fermés.