30/11/2011

AUBE, la saga de l'Europe, 244

Il partit dormir, ou prier, à son tour. Dans le wiks, nul bruit. Au contraire de la nuit de la fête des moissons chez les Loutres, celle-ci était d’un calme de tombeau. Assommés par la riche nourriture et les boissons fortes, tous étaient rentrés dans leurs maisons ou celles de leurs hôtes pour y dormir tout leur saoul.
Le soleil était déjà levé, et haut. Les premiers héros du banquet de la veille se réveillèrent. La fête et les réjouissances étaient une belle chose, mais ils devaient préparer les prochaines. Ils prendraient toutes dispositions pour recevoir leurs voisins. Alléchés par les envoyés de Kleworegs éloquents à vanter le beau butin, la large troupe des captifs et l'immense cheptel de bovins et de coursiers rivalisant avec le vent, ils viendraient tous admirer ces biens exposés à leur convoitise et prêts à être échangés. La plupart n’auraient guère les moyens de troquer, mais s’extasier devant un beau butin était agréable, même si on devait s'en contenter. De retour chez eux, le spectacle des richesses exposées ferait le sujet de toutes les conversations des visiteurs fiers et heureux d’avoir contemplé ces preuves tangibles de l’accroissement de leur puissance. Ils feraient partager la vision des splendeurs inouïes et des plantureux troupeaux dont ils auraient encore les yeux chargés.
En raison de l’affluence supposée (On était allé, sur la foi des récits de Nerswekwos, rameuter très loin des troqueurs éventuels.), Kleworegs avait fixé le début des échanges au premier jour de Thonros suivant la prochaine pleine lune... le temps de construire un camp d’accueil pour ceux qui viendraient. Il les espérait nombreux, puissants et riches. Même s’ils vivaient dans des villages si éloignés qu’ils entendraient peut-être parler de lui pour la première fois, ils devaient venir, et repartir comblés. Il attendait. C’était pour sa gloire
Ils arrivaient. Le peu qu’ils devinaient suffisait à les ébahir et leur faire pousser des cris admiratifs. Il s’en réjouit. Que serait-ce, à l’ostension de tout le butin !
 
Il s’était bel et bien fourvoyé, ou on l’avait mal informé sur la direction prise par sa cible en quittant les Loutres. Personne parmi les gens si hospitaliers du village où il venait d’arriver ne connaissait le clan du Cheval ailé. Il devrait chercher plus loin au septentrion. Dans un village à trois jours de marche, ils se tenaient, à ce qu’il se disait, au courant de tout. S’ils savaient quelque chose, c’est là qu’il l’apprendrait. En signe de bonne volonté, ils troquèrent ses jambons et sa viande mal fumés, qu’ils récupéreraient ou mangeraient avant qu’ils ne se corrompent, contre des provisions qui se conservent. Elles lui permettraient d’entreprendre un long voyage. Il y fut sensible. Il les remercia, au cœur un vague fond d’amertume. Tous ces dons – il avait reçu plus qu’il n’avait offert – prouvaient leur scepticisme : Sa quête serait longue.
Longue ou non, il la mènerait à bonne fin. Il ne s'inquiéta pas. Le jour de sa vengeance arriverait. Sa cause était juste. Les dieux ralentiraient le temps au besoin.
Il repartit en mâchonnant un bout de lard. Sans enthousiasme. Il ne passait pas.

 
FIN DU CHAPITRE

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