17/03/2009

AUBE, la Saga de l'Europe, III-23


... Alors, nous, guerriers Chasseurs de loups des terres au-delà de la grande eau du levant, serons là. Pour avoir suivi Kleworegs avec loyauté aussi longtemps que les divinités le soutenaient, nous serons les mieux placés pour l’abandonner. Les alliances familiales ne sont rien quand les dieux parlent... Mais, entre temps, il nous aura assuré une place privilégiée à son conseil et des fiefs, tout en nous laissant notre liberté. Je ne doute pas que très bientôt, dans ces terres que nous allons conquérir, il y aura plus d’un haut roi... Et entre un ancien haut roi abandonné par les dieux, et un nouveau qui saura les persuader de revenir appuyer leurs fils, ils sauront choisir. C’est ainsi, et je ne veux plus rien entendre.
 Il laissa son regard errer sur l’assemblée. Les plus sages et les plus âgés, qui avaient déjà calmé la foule quand Kleworegs était sorti de la tente de leur chef, expliquaient aux autres le fond de ses paroles. Les têtes se levaient, leur expression avait changé. Ils croyaient retrouver Thonronsis, un Thonronsis nouveau, capable de voir loin, d’attendre, de profiter des moindres événements. Les conseillers de l’ancien roi s’étonnaient de sa clairvoyance. Ils l'avaient toujours vu brimé et considéré comme un fantoche par son parent. La royauté l’avait-elle changé ? Ils lui hurlèrent d’une seule voix leur approbation.
 Les cris le surprirent. Il ouvrit la bouche pour balbutier un hésitant «Bien sûr, si vous n’êtes pas d’accord...». L’assemblée l’acclamait. Il se tut. Personne, dieux merci, ne l’avait entendu... que lui. S’il avait gagné contre la volonté de ses hommes, il devait encore vaincre sa propre faiblesse.
 
 De retour parmi les siens, Kleworegs n’eut aucun mal à leur faire accepter l’idée de donner sa fille au roi de ses opposants. Personne, non plus, ne s’éleva contre l’énormité de la dot demandée, ni la splendeur de la fête prévue. Fête double, tant cérémonie de mariage que sacrifice et banquet pour remercier les dieux d’être arrivés, chacun y trouva motif de satisfaction. Ce serait de plus la possibilité, à l’occasion de la grande battue qu'il ordonnerait pour capturer tout le gibier des forêts environnantes, de découvrir leur don. Les guerriers se feraient une première idée de leurs futurs fiefs, rencontreraient peut-être leurs premiers sujets... ou leurs premières victimes. Les paysans jugeraient de la fertilité du sol et décideraient des défrichages éventuels. Certains voyageurs avaient raconté que les bois, au septentrion, s’étendaient sur des dizaines de lunes... Mais il n’est pas de forêt interrompue de temps à autre par une clairière. Et si jamais celle-ci contrevenait à la règle, les terres ne manquaient pas, un peu plus vers le midi, où l’on pourrait cultiver et paître sans défrichage préalable.

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