22/03/2009

AUBE, la Saga de l'Europe, III-27

« Que ferai-je de Belonsis et des siens, qui ne pensent que raids et combats ? Peut-être aurai-je à m’en servir, mais tout ce que mes guides m’ont appris sur ces terres m’en dissuade. Il serait indigne de massacrer les hommes pacifiques ou les frères disparus qui y vivent. Mais peut-être, plus loin, rencontrerons-nous des guerriers hostiles, à combattre, ou des tribus riches et arrogantes, à soumettre. Les hommes de Belonsis, sans femmes ni biens, seront là pour ça... Et nos troisième caste seront trop heureux de paître leurs troupeaux, ou de faire pousser leurs récoltes, sur ces terres de conquête. Mêler l’esprit des anciens et des nouveaux Printemps Sacrés nous sera profitable au plus haut point. Conquérir, s’enraciner, garder en nous le sentiment d’Aryana, doit être notre but. Je serai là pour l’accomplir. »
 
Vint le jour du mariage. Il avait pris son parti de l’hostilité de sa fille, et tenté de reconsidérer son attitude vis-à-vis d’elle. Quelle injustice dans sa passion à son égard, quand la mort d’une de ses sœurs n’avait entraîné chez lui, au retour d’un raid, qu’un furtif « C’est bien malheureux ! ». Autant il avait, à cette occasion, été raisonnable, autant ses inquiétudes, quand elle avait le moindre bobo, ou la plus petite contrariété, étaient ridicules. Il essayait de s’en moquer, sans succès. Il l'avait choyée, l’avait préférée à toutes les autres, et il ne pourrait se défaire de cette prédilection. Il ne se pardonnait plus de l’avoir donné en mariage contre son gré, comme il le devait pourtant. Il aurait dû la laisser choisir son futur époux. Il ricana... Des idées peu ordinaires lui venaient parfois, mais cette extravagance... D’abord, comment aurait-elle su choisir ? Il aurait fallu en avoir la capacité, la sagesse. Les femmes l’auraient-elles jamais ?
Il regarda la porte de la tente où les servantes, sous les ordres de son épouse, la préparaient. Quel masque affectait-elle ? De colère, de résignation ? De fierté, peut-être, si elle avait fini par comprendre combien son union servait son clan ? Cela faisait plusieurs jours, après son éclat, qu’il avait renoncé à passer la voir. Il avait peur de ne pas se conduire à son égard en père, maître de sa famille et de son clan, mais en vieil oncle maternel, indulgent à toutes les foucades, prêt à céder au moindre caprice. Même en ce jour, il ne croiserait pas son regard. Chargé de haine, de résignation, de détresse, il en souffrirait. Heureux, il en serait jaloux. Jaloux du bonheur de sa fille, plus encore de la chance de son époux.

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