20/03/2009

AUBE, la Saga de l'Europe, III-26

Il se récita les gestes des précédents Printemps Sacrés... les tout premières. Elles évoquaient l’ancienne tradition, qui offrait aux cadets de fuir la puissance de leur père ou de leurs aînés en les quittant et en partant s’emparer, avec pour tout bagage leur char attelé et leurs armes, de terres où ils deviendraient chefs à leur tour. Mais comme cette fuite rompait les liens familiaux, sacrilège envers les lois des clans, ils dédiaient, pour cette faute, leur entreprise aux dieux, et en faisaient d’une certaine façon leurs complices. Aussi ces hommes jeunes, dont l’ambition et le courage étaient plus forts que leur crainte des divinités, partant seuls et sans aucun bien, étaient autorisés, voire incités, pour que elles sourient à leur aventure, à leur sacrifier tout être vivant qui croiserait leur ruée. Les hommes de Belonsis avaient gardé l’esprit de ces temps féroces, et voulaient en imiter les exploits. Les quelques troupeaux, les rares troisième caste, qui les accompagnaient, n’étaient qu’une concession à l’esprit du temps. Plus que créer des établissements, leur idée était de s’enfoncer loin dans ces terres, d’y détruire toute opposition et d’y prendre femme quand les hommes des tribus indigènes auraient été exterminés par leurs soins. Ainsi avaient agi les héros des premiers Printemps Sacrés, dont nul ne savait plus le destin. Seuls contre l’immensité, ils avaient sans doute fini par être engloutis. Les plus récents avaient été menés avec plus de sagesse, et Aryana s’en était trouvé bien. Elle s’était étendue de toutes parts, et chaque tribu avait gardé au cœur le sentiment de son appartenance. Entre cette sagesse et la folie des premiers, il avait choisi. Un raid ne vaut que si l’on revient près des siens, riche de biens. S’il s’agit d’installer un camp et de faire des enfants à quelques étrangères à la feinte soumission, prêtes à leur enseigner la haine de leurs pères, autant jeter des graines dans un fleuve. Il envisageait tout autre chose. Il couvrirait la Terre de vrais fils d’Aryana, non d’enfants dont leur séjour dans le sein de femmes étrangères aurait corrompu le sang. Belonsis l’avait d’ailleurs compris, qui avait pris pour épouse une femme d’Aryana. Une graine pousse d’autant mieux qu’elle germe dans une bonne terre. Les fils de Belonsis et de sa fille ne seraient jamais faits pour la servitude. Il n'en serait pas de même pour ceux nés de l’union de ses guerriers et de leurs servantes. L’exemple de ceux qui n’avaient rien laissé, qu’un brumeux souvenir, était là pour le rappeler.

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