26/03/2009

AUBE, la Saga de l'Europe, III-31


Le soleil était au plus haut. La foule se serrait devant l’estrade, de part et d’autre d’une longue théorie de bovins ruminant, indifférents, en regardant les hommes armés de masses qui se tenaient près d’eux. Plus loin s’élevaient les bûchers, où leur chair, sacrifiée en l’honneur des dieux, serait cuite, puis livrée à son appétit. Kleworegs monta à la tribune avec lenteur, comme s’il fournissait un effort énorme à chaque pas. Cette démarche appuyait la solennité du moment. Il l’exagéra au point de manquer choir. Personne n’avait remarqué son faux pas. Il se rassura. Ce n’était qu’un avertissement bénin à être plus naturel... Il avait d’ailleurs tout autre chose à penser. Il fallait que sa proclamation du Printemps Sacré soit si belle qu’elle reste à jamais dans les mémoires. Plusieurs prêtres capables de se rappeler un discours sans en rien changer se tenaient, attentifs, à son écoute. Plus que pour l'assemblée à ses pieds, il parlerait pour eux afin qu’ils n'en déforment rien et le rapportent partout mot pour mot. Il examina ceux qui lui faisaient face, regarda les bannières tout autour de l’estrade. Celle des guerriers de Belonsis était mélangée aux autres, mais eux, par contre, formaient un groupe bien soudé. Le banquet les rendrait peut-être plus solidaires... Et si jamais ils restaient sur leur insultant quant-à-soi, Belonsis devrait, à un moment ou à un autre, lui jurer fidélité. Après, seulement, il pourrait leur reprocher leur attitude.
 Il regarda le soleil, comme pour guetter son avis. Il baissa la tête, puis la releva. Il était temps de parler :
– Prêtres, rois, guerriers, producteurs, tous réunis derrière moi pour le Printemps Sacré, je veux vous dire vos devoirs et vos droits, mais surtout vous enseigner pourquoi vous devez faire certaines choses, et pourquoi d’autres ne sont pas permises, sous peine que nous échouions tous. Parce que les dieux nous ont donné cette terre, ils attendent beaucoup de nous. Parce que je suis celui qu’ils ont désigné, c’est par ma bouche qu’ils vous diront leurs exigences...
 ... Ce Printemps Sacré n’est pas le premier. Aux premiers temps, chaque cadet pouvait partir à l’aventure, avec ses compagnons. Il s’enfonçait droit devant lui dans la vastitude, se nourrissait des animaux qu’il sacrifiait, prenait épouse à sa convenance parmi les femmes des tribus qu’il subjuguait. Les récits nous disent que certains de ces hommes, il y a plus de générations que le plus grand chêne n’a d’ans, allèrent loin, si loin, que nul ne sait ce qu'il en advint. Ils portèrent notre nom aux confins de la Terre, mais, seuls et sans épouse de bonne souche, durent s’unir à des étrangères, et leurs enfants perdirent jusqu’à leur souvenir...

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