06/04/2009

AUBE, la Saga de l'Europe, III-42


La nuit était tombée. Chacun, après la prière pour conjurer le jour de revenir, était parti dormir. Kleworegs songea à sa fille, peu préparée à ce qui allait lui arriver cette nuit. Il ne lui avait parlé, et sa femme avec lui, que de devoir, d’enfants à porter, d’honneur, de fidélité... pas un mot sur le plaisir et l'acte d'amour. Elle arriverait dans le lit de son mari aussi ignorante que sa propre épouse, qui ne voyait dans les étreintes qu'un devoir oscillant entre l’ennuyeux et le douloureux. Certes, Belonsis considérait sa fille comme une idole, et sans doute, puisque l’amour des deux jeunes gens semblait réciproque, elles ne seraient pas pour elle une corvée, mais un plaisir et une joie. Belonsis aurait à son égard une délicatesse et une pudeur presque féminine méprisables chez un homme... mais bienvenues en cet instant.
« Un homme faible pour que ma fille soit heureuse, un homme fort pour qu’il combatte sans faillir à mon côté. Je ne sais pas ce que je veux ! »
Il grogna. Sa femme se réveilla. Pourquoi n’était-il toujours pas couché?
– Tu ne comprendrais pas !
– C’est ta fille, hein ? Comment ça s’est passé ?
– Elle et Belonsis s’entendront bien. Ils sont beaux, jeunes, et se plaisent. Que demander de plus ?
– Oui, que demander de plus ?
Elle se retourna et sembla se rendormir. Et s'ils faisaient l’amour ? Il songea à sa fille. Non, en besognant sa femme, il ne cesserait d'y penser, et à sa première nuit avec son époux. Il se voyait dans la peau du jeune roi. Il se refusait à cet inceste à distance. Il se leva et engloutit une outre entière d’hydromel, de quoi l’assommer jusqu’au lendemain.
« Et s’il restait devant ma fille comme devant une déesse, sans oser y toucher. Si la peur le prenait ? Quelle honte pour Belonsis, qui devrait me la renvoyer, ou plutôt, serait obligé de cacher son malheur, l'entourant de prévenances, afin qu’elle ne le quitte pas et ne révèle pas sa faiblesse. »
– Non, ce serait trop beau !
– Qu’est-ce que tu dis ?
– Ah, tu ne dormais pas ! Rendors-toi, moi, je sens déjà que je m’en/
Il s’écroula sur sa couche, la tête sur son ventre. Le soleil de midi les réveilla. 

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