09/04/2009

AUBE, la Saga de l'Europe, III-45


Il retourna auprès des siens, irrité, et soulagé. Il s’était conduit en gendre loyal en expliquant à Kleworegs leurs desiderata, en chef loyal en défendant leurs prétentions auprès de lui. Tout avait été vain, ou presque. Il voulait les réduire à un rôle subalterne et donner à leur pouvoir des bornes insupportables. Ils auraient mieux fait de rester chez eux, malgré la sécheresse qui brûlait les terres. Ils y auraient vécu en maîtres et en héros au lieu de mener, dans ces terres faites pour assurer leur gloire, une existence sans perspectives ni panache. Comment présenterait-il la situation à ses hommes, et à son épouse. C’est elle qui l’avait poussé à aller parler à son père. Elle lui expliquerait ce qu’il pensait vraiment...
 
– Alors, il t’a dit... pas de combats, pas de gloire, juste s’établir et prospérer. On croirait son père. Il parlait assez de son manque d’ambition.
La fille de Kleworegs était assise sur sa couche, le menton entre les genoux. Elle le regardait, l'air dominateur et complice. Elle n’avait pas été surprise par ce qui lui était arrivé cette nuit – les servantes lui en avaient assez parlé, quand elle était arrivée à l’âge de femme – et avait même trouvé la chose fort agréable, mais avait aussi ressenti à son égard une étrange reconnaissance à laquelle confidences et racontars des femmes serviles ne l’avaient pas préparée. Sans doute était-ce dû à la différence de leurs conditions. Elle s’était encore une fois félicité de sa naissance... Ce n'était peut-être pas la bonne, ou la seule, explication, mais elle y réfléchirait plus tard. Il n’était plus temps. Son époux la pressait de questions sur l’homme qui l’avait vendue. A elle d’y répondre, au mieux de sa haine.
– ... Oui, son père, un couard. Il a hérité de ses défauts.
– Tu es bien jeune pour l’avoir connu.
– Il en parlait tout le temps. Il ne valait guère plus qu’un wiros, qui ne songe qu’à posséder des troupeaux gros et gras, et qui ne sait aller combattre au loin. Encore, un wiros a de bonnes raisons pour ne pas se battre. Il n’est pas né pour ça. Voilà ce à quoi mon père veut nous réduire, nous, les Chasseurs de loups. Tu ne dois pas accepter cette honte.
– Ton père a été un grand guerrier, cependant/
– Ce n’est plus qu’un vieillard, ami des troisième caste et jouet des prêtres... Le passé est mort.

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