08/04/2009

AUBE, la Saga de l'Europe, III-44

Kleworegs l'examina. Le mariage l’avait-il à ce point transformé ? A moins qu’il ne se fasse l’interprète des désirs des siens. Il avait ses propres projets. Il mit le holà à ses prétentions.
– J’espère que tu rencontreras de belles occasions de te battre. Mais rien qu’avec la chasse, tu auras ton content de luttes. Pour le reste, il est plus important qu’Aryana s’enrichisse de terres bien cultivées et de nouveaux paysans dociles plutôt que de captifs qui ne songent, dans leur servitude, qu’à en faire le moins possible. Tu tireras toujours plus d’un homme libre que d’un serviteur. J’en ai fait l’expérience. Je peux même te dire que je continue, et que tu seras peut-être surpris de ce qu’un fils d’Aryana peut accomplir s’il se sent son maître, quelle que soit sa naissance.
– Es-tu sérieux ?
– J’ai bien le droit de m’amuser un peu. En tout cas, je veux que les paysans qui se choisissent une terre, et qui ne veulent pas de maître, soient laissés tranquilles... Quant aux hommes qui vivent sur mes terres, on ne les molestera pas s’ils se soumettent. Beaucoup, je crois, ont un peu de notre sang dans les veines. Raison de plus pour ne pas en faire des victimes. Aryana a besoin de tous ses fils, même lointains.
– Que veux-tu dire ? Enfin, je t’obéirai... mais les miens seront plus difficiles à convaincre. Un Printemps Sacré, c’est combat sur combat, massacre des hommes, conquête des terres et des femmes. A l’orient, nous aurions eu tout cela, et ils le savent. Tu veux faire d’eux de gros mange-miel engourdis par l’hiver. Ils vont murmurer.
– Nous finirons par nous heurter à des ennemis... Des ennemis dignes de nous, pas de pauvres chasseurs pour qui le goulpil est déjà un danger, et qui fuient plutôt que de se battre. Un jour ou l’autre, vous aurez, nous aurons à combattre, et il y aura du sang et des morts. Réservons nos forces pour ce moment.
– Pourquoi attendre, nous avons des ennemis à portée de la main !
– Je te parlerai un jour de certains chasseurs de sauvagine, et tu me comprendras. Que les tiens se rassurent ! Le temps de Thonros viendra... Gardez-vous de l’importunez. Il vous enverrait Mawort, son double fou. Et ce ne sont pas les ennemis d’Aryana, mais Aryana, qui en souffrirait.
– Tu es plus vieux que moi, et tu en sais plus, mais je sais ce que pensent ceux qui me suivent.
– Sur l’autel de ton clan, tu m’as garanti leur fidélité. M’être fidèle, c’est rechercher la paix, et préférer obtenir l’amitié, plutôt que la soumission, de tous ceux qui reconnaissent notre puissance. Tout ira bien tant qu’il en sera ainsi.
– Et si les choses vont mal ?
– Alors, les dieux m’auront jugé, et désapprouvé, et je ne saurai réclamer ta loyauté. Mais ce ne sera pas. Jamais... et que nul ne cède à la tentation de se croire capable d’interpréter en ma défaveur les signes qu’ils pourraient envoyer.
 

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