03/06/2009

AUBE, la saga de l'Europe 209

Outre les serviteurs et les glaives de parade, les tissus partirent fort bien. On troqua même les moins beaux, atteints de mangeures qui les eussent en toute autre occasion fait rejeter. Les moins riches se contentaient de ce souvenir d’un raid si mémorable. Ils échangeaient une belle peau – souvent le seul bien de valeur – luisante, au poil fourni, contre ces mauvais tissus, certes, mais de si noble provenance. Restaient les bijoux. C’était le seul hic. Face aux belles turquoises, aux opales laiteuses, aux pectoraux guillochés d’or, il y avait peu de répondant.
Tout le village en profita. Ceux qui avaient le plus matière à se réjouir étaient les forgerons. Ils avaient reçu leur substantielle part de butin, composée, depuis l’accord déjà ancien entre Kleworegs et Punesnizdos, de tout le métal non ouvré et de la pacotille, et négocié leurs armes au mieux. Le récit du roi et ses louanges avaient persuadé ses hôtes de la puissance de leurs glaives et haches. Il serait bon d’en acquérir. Pour ces armes assurant, au moins favorisant au plus haut point la victoire, et garantissant des combats plus beaux conduisant à des triomphes plus éclatants, ils donnèrent beaucoup. Leurs bronzes, réservés aux guerriers des clans n’entrant pas en compétition avec le leur, partirent au double des conditions habituelles. Ils exultèrent. Leur déjà imposant cheptel s’augmentait encore.
Les lendemains virent la même ambiance affairée. Le volume des transactions, presque toutes expédiées le premier jour pour éviter que d’autres n’en profitent, déclina. Seuls les forgerons travaillèrent tout le long du séjour des hôtes. Les activités liées au Joyau, en revanche, ne fléchirent pas un seul jour. Kleworegs nageait dans la joie. Son nom revenait souvent dans les invocations adressées à la gemme. Ces admirateurs répandraient partout le bruit de ses exploits.
Ses visiteurs, venus parfois de très loin, étaient partis. Ils avaient payé son hospitalité avec libéralité. Il fit le bilan de ces fêtes. Sa richesse avait été plus affirmée que jamais. Son prestige s’était accru dans des proportions défiant tout calcul. Pourtant, il lui manquait quelque chose – Il était plus juste de dire qu’il l'avait en trop – pour que son bonheur soit complet. Pourquoi Kerdarya ne leur avait-il pas dépêché – sitôt reçu son message – un porteur de l’avis de lui réserver le Joyau ? Il ferait l’ornement du cœur et du sanctuaire du pays.

Les commentaires sont fermés.