07/02/2012

Aube, la saga de l'Europe, 297

Il s’était installé tout près du camp. Ils allaient se réveiller. Il attendait, impatient. Il apercevrait Kleworegs avant de s’endormir. Il avait fait un long détour et attaché son cheval à bonne distance pour éviter que, sentant ses congénères, il ne hennît. Il se tenait derrière un buisson de ronces. Elles avaient perdu presque toutes leurs feuilles, mais avaient poussé drues, serrées à former un muret qui le cachait, et hostiles. Personne ne viendrait par ici. À condition de ne pas s’endormir de fatigue sur les épines, son poste de guet était plus confortable que celui d’où il avait observé son sanglier.
Le petit camp était silencieux. Les sentinelles, zélées, tendaient l’oreille au moindre bruit. Il avait avancé, furet, en tapinois. Elles n’avaient rien remarqué de son approche et de son affût muets. Le feu s’éteignait à mesure du lever du soleil, comme si sa pauvre lueur s’effaçait devant l’éclat céleste. Les guerriers s’éveillèrent.
Ils se plaignaient de la fraîcheur nocturne. Quelle fraîcheur ? L'attente avait coupé en lui toute sensation. À mesure qu’ils s’étiraient et se levaient, il tentait de deviner lequel allait mourir. Certes pas le colosse qui se raclait la gorge et venait de cracher vers le buisson, le manquant de peu malgré la distance. Le borgne qui le saluait avait bien une prestance royale, mais Kleworegs eût été connu sous ce nom s’il avait perdu un œil. Assez joué aux devinettes ! Il le saurait vite. C’est toujours le roi qui donne le signal du départ. Pourvu qu’ils ne tardent pas. Le sommeil le gagnait.
L’ankylose se mit de la partie. Il tint bon. Cette attente l’avait édifié. L’attaque de nuit, furtive et imparable, était exclue. Les gardes ne l’avaient pas remarqué pour la seule raison qu’il était resté au-delà du cercle de sécurité qu’ils s’étaient tracé. Le corps du mulot que le plus gros avait tranché en deux, rien que pour vérifier ses réflexes et s’assurer de sa précision, était là pour le prouver. Il n’aurait pas le temps, de cette façon, d’accomplir sa vengeance.
Il revint à l’escorte. Ils étaient à cheval, prêts à partir. Un grand homme mince et musclé, à sa tête, levait son bras armé.
– Pour la gloire de notre nom, en route, compagnons !
Kleworegs ! C’était lui ! Il savait enfin à quoi il ressemblait.
La seule chose qu’il ne savait pas encore était comment il le tuerait, mais il le tuerait. Ça, il le savait.

Il s’était posé les mêmes questions, avait fait les mêmes déductions. Son voleur oublié, seuls importaient le roi du Joyau et ses hommes. Il suivrait leur piste dès le point du jour. Il dormirait en attendant. Bien reposé, il parcourrait une plus longue étape. Il serait le soir à très courte chevauchée de qui il cherchait.
Il se fit un lit de branchages – le sol était mouillé – et se couvrit de son épaisse peau de loup. Le froid ne put rien contre lui. Ses montures coupaient le vent. Leurs flancs fournissaient une agréable chaleur. Il s’assoupit sans tarder.
 
L'escorte avait pris la grande trouée. Il retourna auprès de son cheval dormant déjà. Il l’aurait volontiers imité jusqu’au coucher du soleil. Le devoir primait. Son somme serait très bref. Au besoin, il somnolerait dessus. Il devait à un moment quelconque la rattraper et passer devant.
Il avait eu un signe en revenant près du coursier. Un milan fondait du ciel sur sa proie. Il avait remercié les dieux. Sa seule chance d’atteindre son ennemi était le guet-apens. Frapper, tuer, et... Ils savaient ce qui lui arriverait ensuite. Il s’en remettait à eux.
Il dormit tranquille. À son réveil, frais et dispos, le soleil était à mi-course vers son plus haut. Son poursuivant était en route depuis l’aube, dernier de ses soucis.

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