09/02/2012

Aube, la saga de l'Europe, 298

La chevauchée continua. L’escorte avançait parmi les arbres dont les dernières feuilles tombaient, malgré une résistance désespérée et inutile. Les rares à survivre mourraient au printemps, tuées par la sève nouvelle. La seule tache verte restait les immenses bois de résineux, refuge des loups et autres mange-miel. Cette partie de la forêt était plus calme. Les fauves ne trouvaient que maigre pitance dans l’immense futaie au sol de feuilles pourrissantes.
La piste, sans être large, aurait permis à deux chariots, sauf en quelques passages étranglés, de se croiser avec un minimum d’efforts et de bonne volonté. Elle n'autorisait pas pour autant une longue halte. Il fallait, pour trouver un gîte parfait, où les montures se débanderaient et paîtraient tout à leur aise, parvenir à une clairière naturelle, bien élargie par les nombreux voyageurs. Elle donnerait l’hospitalité idéale. Ils pressèrent le pas. Ils arrivèrent, bien avant ciel rouge, dans d'anciens essarts où passer la nuit. Il faisait un peu meilleur. Ils prendraient un sommeil réparateur. Ils se présenteraient fiers et fringants. Quelle allure auraient-ils sinon, tout couverts de belles fourrures et équipés d’armes de héros qu’ils étaient, goutte au nez et reniflant ? Que chacun se repose jusqu’à santé revenue !
 
Il suivait l’escorte à distance. Il n’avait pas mis longtemps à la rattraper après son somme. Voilà environ deux pas de Sawel qu’il maintenait le même intervalle entre eux. L’étroite piste était idéale pour sa traque. Au moindre bruit suspect, il se réfugierait dans les sous-bois, peu denses. Il les emprunterait quand il voudrait la dépasser en secret. Il avait déjà repéré, sur l’étroit chemin, des rétrécissements, des étranglements, à peine assez larges pour laisser passer un chariot. Même longs de quelques pas, ils convenaient à ses desseins, surtout ceux où deux arbres jumeaux entrecroisaient à faible hauteur leurs branches parasitées de gui ou de lierre.
Il faillit se laisser surprendre par la brusque halte. Quelle idée de s’arrêter alors qu’un bon moment encore restait à courir avant que le soleil n’entre en septentrion ! Il prit un chemin de traverse. Cette halte tombait à pic. Il aurait tout le temps pour tendre son piège et trouver le meilleur endroit pour se poster en embuscade. Il revint, sitôt assuré de passer inaperçu, sur la piste principale. Il y chevaucherait jusqu’au coucher de l’astre du jour. Il choisit son endroit pour être sûr d’être réveillé par le premier rayon de soleil. Il devrait partir tôt et aller à pas lents, jusqu’à ce qu’il trouve le lieu idéal pour guetter sa victime... fondre sur elle.

 
Il était content de lui. Il serait auprès de Kleworegs le lendemain, au milieu ou en fin de l’après-midi. La halte choisie par le roi avant de pénétrer dans la forêt était idéale. Le sommeil le prenait. Il s’y installa. Il se versa une grande gorgée de l’hydromel du maquignon. Il était sur. Quel dommage de n’avoir cassé que deux dents à ce pourri !

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