15/02/2012

Aube, la saga del'europe, 300

Pewortor avait regretté le poignard laissé dans la tombe de la princesse des terres lointaines. Pourrait-il en forger un aussi réussi ? Sa peur était illogique. Son arme était liée à trop de souvenirs. Impossible d’en refaire un nouveau. Il ne pouvait, cependant, rester sans arme personnelle. Elle devrait être plus originale que les glaives superbes qu’arboraient tous les autres neres... ne rien devoir au métal. Elle symboliserait son élévation. Après qu’il avait si longtemps sué pour armer les autres, d’autres, à leur tour, travailleraient pour lui.
Il n’avait pas cherché loin. La pendaison avortée lui avait apporté l’illumination. La mine défaite, les réflexions désabusées du vétéran qui avait prêté son lasso pour qu’on y suspende le fautif avaient suffi. Il avait trouvé. Il l’avait persuadé que sa lanière de cuir, pour avoir servi à aussi sinistre besogne, n’était plus digne de lui. Malgré le sauvetage de dernier instant de Medhwedmartor, il n’avait plus démordu de cette répugnance nouvelle. Il le lui aurait même donné s’il n’avait été reconnu ner peu après. Pewortor avait dû troquer un glaive contre le lasso de honte qu’il aurait, au vu de son ancien statut, obtenu pour rien. Il y avait en compensation fait ajouter un long fouet à couper une feuille au vol.
Il avait eu tort de prendre le lasso. Il n’y serait jamais bon. Les éleveurs disaient vrai. Cet art s’apprend quand on tète encore sa mère. Mais il avait pris goût à jouer du fouet. Il commençait à se sortir de façon honorable de son maniement. Il avançait dans la forêt, se faisait désigner une feuille par son ou ses voisins, selon la largeur du passage, et repérait parmi ces cibles proposées les plus difficiles à atteindre pour les couper de sa mèche. À droite, à gauche, au-dessus des têtes, peu de celles qu’il visait échappaient à leur sort. C’était bien. Il saurait, avant peu, en fendre en plein vol... Et aussi, perspective plus intéressante, le visage de ses ennemis. Enfin, tout plaisir qu’il en aurait, ça ne vaudrait jamais un bon glaive.
 
Il sursauta. On parlait, pas très loin... tout près. L’épaisseur de branchages avait amorti les voix. Ils étaient à deux cents pas. Kleworegs marchait en tête, suivi d’un colosse que son cheval peinait à porter. Il s’installa à croupetons sur la branche. Le guerrier-montagne pourrait-il intervenir ? Il ne devait pas s’inquiéter. Il aurait le temps de tuer Kleworegs avant d’être écrasé par les poings énormes. Il n’en demandait pas plus.
 
Les trois hommes avaient mené grand train. Ils s’attendaient, à chaque coude de la sente, à voir l’escorte. Chaque fois leur espoir était déçu. Ils avaient dormi trop longtemps. Les deux guerriers désespéraient. Si leur chef périssait, ils en porteraient la honte jusqu’à leur proche dernier jour. Une telle faute ne s’expie que dans une expédition où la mort est comme eau en lac. Pourvu qu’ils arrivent à temps. Ceux qu’ils voulaient prévenir étaient tout près.
 
Il avait bandé ses muscles. Kleworegs approchait. Voilà, son cheval levait la jambe pour franchir la racine qui barrait le chemin. Encore en instant, ma victime... Profite de ton ultime souffle de vie, fais-le durer, durer. Moi aussi, je voudrais qu’il dure une éternité. Jamais homme n’a été aussi puissant que moi en ce flocon de temps !

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