04/03/2012
Aube, la saga de l'Europe, 309
Les porteurs du Joyau traversèrent, sans rien en voir, le cercle de cultures et de pâturages. Ils arrivèrent au pied de la colline. Sur l'injonction du prêtre de tête, ils firent halte. Il fallait attendre le premier bhlaghmen qui descendrait en prendre possession. La foule s'était regroupée pour se protéger du mauvais temps. Kleworegs, insoucieux de la bruine, s'était avancé. Il guettait son apparition. Il verrait, à son attitude et à sa démarche, si les intuitions du messager s'avéraient. Son attente ne dura guère. Le prêtre suprême descendait, un bandeau blanc autour du front. Il y manquait un très mince liseré rouge. À ce détail près, il ressemblait tout à fait au diadème royal. Kleworegs se l'imagina un instant. Il continua à l’observer. À chacun de ses pas croissait son aura de majesté. De par la tradition, il avait prééminence, pour tout le sacré, sur le guerrier, jadis confiné au rôle de bras armé et d'exécutant de ses décisions. Devait-il en croire ses yeux ? C'était la première fois, depuis des années, qu'il voyait un prêtre aussi sûr de son pouvoir. Cela ne venait pas de sa seule habilitation à recevoir les porteurs du Signe avant le roi, ni même à son droit de parler avant lui et de l'interrompre à son gré. Même ses pouvoirs de déclarer qu'il n'avait plus la confiance des dieux, d'opposer son veto à l'élection d'un guerrier ou de favoriser celle d'un autre jugé plus pieux, ne lui auraient pas donné cette certitude affichée. Sa nature et ses ambitions transparaissaient.
Il avançait, tout à la puissance envolée des siens. Les antiques récits la célébraient. Il y a plus d'années qu'on en saurait compter, quand il n'y avait que des clans avec un seul ancêtre, et un conseil des bhlaghmenes disant la loi, le prêtre-roi possédait le vrai pouvoir. Il disait son mot sur tout, s'occupait de la vie de chacun, avait l’ultime décision. Cela lui était d'autant plus aisé, il pouvait l'imposer avec une autorité d'autant plus forte, que les guerriers, soumis aux aléas du combat, avaient la plus aveugle foi en ceux qui leur promettaient la victoire, assez subtils pour les persuader qu'elle était due aux prières et à la magie... La défaite, elle, n’était que le fruit de l’incapacité à comprendre leurs avis, et à la lâcheté.
Les premières grandes victoires et la perte de leur influence n’y avaient au début rien fait. Les guerriers trouvaient inconvenant, presque impur, et contraire à leur fonction, de se mêler le moins du monde d'autre chose que de guerre, quoique certains donnaient à ce mot un sens des plus large. Ces ambitieux leur avaient fait appuyer leurs projets de conquête. Ils s'étaient prétendu détenteurs de messages divins assez conformes aux désirs des guerriers pour que des prêtres soient contraints d'y acquiescer... Ces fous l'avaient fait sans réticence. Les conquérants, pour faire passer leur usurpation, n'avaient pas été chiches. Peu après, la royauté avait chu entre les mains de ce roitelet du levant acoquiné à ces serviteurs fondeurs de métal. Le pire moment de leur histoire.
Cette profusion d’offrandes, il n’allait pas y renoncer. Le pouvoir, il fallait le retrouver. L’occasion était là. Et l’homme ?
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03/03/2012
Aube, la saga de l'Europe, 308
Le temps de prévenir chacun, le soleil avait couru. Kleworegs et les siens avaient grand faim. Ils n'osaient toucher à leur restant de provisions. Si – facétie habituelle de Bhagos – leurs hôtes surgissaient au moment où ils dévoreraient ? Quelques guerriers allaient se résoudre à grignoter. Cela ne manqua pas. Des prêtres, sortant par la trouée d'où tous désespéraient de les voir paraître, arrivèrent. Les gloutons en furent pour leurs regrets d'avoir trop attendu. Ils s'en consolèrent en admirant la théorie sans fin des première caste. Deux en particulier retinrent leur attention. Ils portaient sur les épaules les manches d'une cage faite d'un bois des plus rares. Ils furent tout fiers de l'identifier. Hors de rares hauts prêtres, nul à Kerdarya n'aurait su reconnaître ce bois, identique à celui de l’écrin, de parfum prenant et d'un beau ton de cuivre. Les hommes à la robe de lin leur en apprirent plus. Au pays des hommes sombres, l'essence, appelée sandala, était très précieuse. Ici, la cage était plus, un objet unique, du moins jusqu'à l'arrivée du coffret. Elle lui servirait de réceptacle. En quelle estime tenait-on, avant même de l'avoir vue, la pierre-soleil ! Cet honneur laissait entrevoir les espérances de ses inventeurs.
Le plus haut de ces prêtres, reconnaissable à sa ceinture, s'approcha. Le prêtre du chef de guerre présenta l’écrin. Le bhlaghmen lui tendit un linge sacré. Il y reçut la cassette et porta, hiératique, son fardeau jusqu'à la châsse. Il l'y déposa avec des soins infinis. Il fit venir un char attelé de chevaux blancs et invita son homologue à y monter. Kleworegs poussa un discret ouf de soulagement. Ils ne seraient pas deux, serrés et mal à l'aise, sur son char de parade. À peine son prêtre installé, tous, sauf lui, roi, et Pewortor qui, pour s'être emparé du Joyau, en étaient dispensés, mirent pied à terre. Un grand cri, repris par les guerriers, s'éleva des rangs des première caste. La procession se mit en route. Le bhlaghmen, tenant les brides des chevaux tirant le prêtre de Kleworegs, marchait en tête. Les porteurs du Joyau le suivaient. Ensuite venaient Kleworegs et Pewortor, sur leurs chars. Marchaient à quelques pas les première caste, puis l’escorte, tenant leurs coursiers par le licol.
Ils passèrent la trouée. Les guerriers de Kerdarya formaient une haie d'honneur jusqu’au bas de la butte. Leur allure en imposait. Une aura de force les entourait... Suffiraient-ils à contenir la foule qui les pressait ? Au-delà de leurs rangs serrés, tous les producteurs, et même des serviteurs, abandonnant champs ou travaux, s'étaient assemblés dans l'enceinte des pâturages et des cultures. Ils les piétinaient à qui pire pire. À peine retenus par la terreur sacrée, meilleure garantie des porteurs du k'rawal (non, le cordon des seconde caste ne serait pas de taille, s'il prenait soudain fantaisie à la foule de se ruer, à faire barrage), ils ne leur laissaient qu'un étroit passage où ils cheminaient à pas lents. Les prêtres s'irritèrent de cette presse, source de péril. Le meneur des chevaux blancs s'arrêta un instant :
– Allons, écartez-vous ! Voudriez-vous nous bousculer et faire tomber la pierre ? Réfléchissez aux conséquences d'un tel sacrilège ! Allez, allez !
Le mot les cingla. Ils obéirent à l'objurgation et reculèrent, au grand dam de tous ceux qui en eurent les orteils écrasés et au grand plaisir des guerriers, au premier rang, angoissés de la pression sur leurs épaules. Les plus audacieux se reprirent vite. Ils protestèrent, acerbes :
– On veut le voir, ce Joyau !
– Pourquoi voulez-vous nous empêcher de le regarder ?
– Tu as du culot de nous accuser de sacrilège ! Nous prends-tu pour des Muets ou de la vermine ?
Devant le début d'émeute, il exigea le silence. Il l'obtint. Son secret était simple. Il criait le plus fort.
– L'ostension du Joyau aura lieu dans le temple de Dyeus Pater. Vous le verrez tous. Retournez à votre travail ! ... Quelle honte, il y a même des serviteurs et des femmes ! Qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce que ça fait ici ? Ils n'ont rien à y faire !
La foule ne songea guère à se disperser. Elle se contenta de chasser, à force bourrades dédiées pour beaucoup à lui, les serviteurs les plus voyants. Ils filèrent doux. Il bruinait. Ils seraient mieux à l'abri. Paysans et artisans continuèrent leur haie d'honneur autour du bijou d'ambre. Découragé, il renonça à apostropher encore la foule massée en avant du cortège. Sa modération, après son coup de colère, eut sa réponse tacite. La masse, renonçant à sa frénétique indiscipline, reflua. Son enthousiasme ne se manifesta plus que par la vigueur des hymnes entonnées en répons aux invocations.
Cette discipline ne régnait qu'en avant du cortège et sur son passage. La foule, sitôt le Joyau et son escorte passés, rompait les rangs pour suivre la théorie des prêtres et de ses inventeurs. Bientôt, ces spectateurs débandés s'y joignirent et les saoulèrent de questions. Impossible de chasser tous ces importuns. La procession, sous la pesée de ceux qui avaient vu le Joyau, de plus en plus nombreux et agités, se transforma en une cohue sans nom, joyeuse et abîmée de dévotion à la fois.
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02/03/2012
Aube, la saga de l'Europe, 307
– Tu vois, c'est fait... Maintenant, annonçons que le Signe est dans nos murs, ou prêt à y pénétrer, et partons à sa rencontre... Tu peux prendre congé. Va à ta guise.
Il repartit vers l'accès au troisième cercle. Kleworegs l'y attendait. Le temps était frais et humide, les nuages grisâtres. L'accueil serait réussi. La pluie ne menaçait pas pour tout de suite... Qu'ils se pressent un peu, quand même !
Kleworegs mourait de soif. Avant toute autre question, il lui demanda s'il pouvait boire devant les sentinelles. Il le rassura. Leur chef – et lui, par la même occasion – serait ravi de partager l'hydromel. Cette politesse ne coûtait guère. Il s'en acquitta volontiers. Le messager lui conta l'accueil du haut prêtre. Il hocha la tête. Il fit tout préparer pour son entrée. Elle se déroulerait avec la pompe la plus imposante. Le char des princes de Shumeru fut à nouveau sorti du chariot et monté, les chevaux étrillés et débarrassés des épines accrochées à leur pelage et leur peau. Il continua à l’interroger. Sa confidence sur les rapports du roi des rois et du premier prêtre, à peine murmurée, le captiva. À la fin, il voulut avoir un avant-goût de ce qui l'attendait derrière le remblai. Le messager ne se fit pas prier.
– Passée cette porte sont de nouveaux prés destinés nos chevaux et de nombreuses cultures. Elles fournissent la citadelle et ses hôtes en vivres frais, et sont son meilleur recours en cas d'attaque ou de siège. Ça ne risque plus d'arriver... À la rigueur, il y a quelques générations. Nos pères, avertis de l'approche, puis de l'arrivée de forces hostiles, auraient rentré leurs bêtes et comblé les trouées. Ils n'auraient plus eu qu'à attendre l'hiver glacial qui débande les assiégeants. Ils auraient continué à vivre, cultiver leurs terres et mener paître leurs troupeaux. Leurs ennemis se seraient emparés de pâtures vides. Ils n'auraient pu qu'en brouter l'herbe pour apaiser leur fringale... Cela n'est pas arrivé en ces temps de faiblesse. Ça ne nous tombera pas dessus maintenant. Jamais nous n'avons été aussi forts...
... Il y a plus loin un village de huttes. Là vivent nos paysans pauvres, mal aimés des dieux de la fécondité. Ils cultivent les champs du cercle intérieur, et nous leur assurons couvert et sécurité. Au-dessus, c'est la butte que domine la citadelle. Un petit plateau naturel, au sommet arasé, entouré d'une palissade de pieux de chênes. Là vivent les prêtres, les guerriers, et quelques très riches fabricants d'armes que ton Pewortor supplantera bientôt, si tu l'autorises à rester. Tous les autres artisans vivent au bas de la butte, à l'écart des paysans. Tu ne verras pas leur hameau. Il est de l'autre côté.
Kleworegs avait une meilleure idée de Kerdarya, de sa disposition, et de ceux qui s'y disputaient le pouvoir. Il le remercia. Il inspecta une dernière fois sa troupe. Tout était prêt. Ils avaient eu tout le temps. Il ne restait qu'à attendre l'escorte d'honneur promise. Il ne fallait rien de moins pour les accompagner et les guider jusqu'à la citadelle et au temple où serait adorée et vénérée la pierre-soleil.
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01/03/2012
Aube, la saga de l'Europe, 306
Lèvres pincées, il attendait qu'on l’interroge. Il avait parcouru des yeux la salle du palais royal, écouté roi et prêtre discuter. Comment, dans la résidence et le siège du pouvoir du regs regom, le prêtre, et non son hôte, acagnardé sur un tas de peaux, pouvait-il tant faire le fier ? Pire, prendre des initiatives et lui donner ses ordres. Superstition, respect des prêtres ou veulerie d'un jouisseur, le roi suivait toutes ses suggestions. Kleworegs devrait le savoir. Sage et aidé de la faveur constante des dieux, il saurait quels enseignements en tirer.
Le prêtre lui avait enfin parlé. Sa première question, où l'impatience et le désir d'être rassuré affleuraient sous le ton calme et posé, concernait le Joyau. Comme tous ceux qui l'avaient décrit auparavant, il avait dit sa taille et sa beauté. Comme eux, il n'avait pu trouver de mots capables de rendre la force et le sacré qui en émanaient. Qu'importe ! Ce qui transparaissait à travers était sa certitude de faire face au surnaturel, au-delà des sens des mortels. Ses dires appuyaient ceux de ses prédécesseurs. La débilité des termes humains n'y pouvait rien. Il serait confronté à la plus grande manifestation du divin qui lui avait jamais été donnée de contempler. Pour l’avoir annoncée, lui et sa caste retrouveraient, s'ils l’osaient, une bonne part de leur antique puissance. Sans doute pas la royauté – symbole auquel ils ne tenaient plus guère –, le pouvoir d'ordonner au nom des dieux et de se faire obéir quand ils ne faisaient plus, souvent, qu’avaliser les décisions des guerriers.
La description du Joyau l’avait réjoui. Il avait hélé un acolyte :
– Préparez une escorte de premier rang. Envoyez-la accueillir ceux qui nous amènent le Signe. Faites-le précéder du cheval blanc et montez une châsse pour y transporter son écrin !
– Bhlaghmen, j'ai vu autre chose, une grande magie. Je ne sais si celui qui m’a précédé t'en a parlé. Devant moi, on a frotté la pierre. Elle a attiré vers elle des poils et des bouts de tissu. C'est la preuve que ce Joyau nous a été donné pour que, aussi loin qu'aillent ses conquêtes, reste à jamais rassemblé notre peuple. Elle empêchera que ne se dispersent les clans, comme certains le redoutent.
– Tu as trouvé cela tout seul, messager ?
– Nous en avons beaucoup parlé.
– Et vous avez vu juste ! Bhagos t'a favorisé comme peu en t'inspirant l’idée de la petite pierre-lumière et en nous suggérant de t'envoyer vérifier l'histoire de ce Kleworegs. Le porteur d'une nouvelle aussi agréable, astucieux et doué pour percer les mystères, mérite sa récompense. Que le roi des rois, à ma requête, fasse de toi sa bouche et ses oreilles. Nous t'enverrons voir les chefs des terres et des cités d’au-delà du midi. Il y a des années que nous cherchions un homme capable d'établir des relations avec eux et d'estimer par la même occasion leurs forces et leurs richesses… Si elles sont aussi grandes que certains butins pris aux pillards le laissent penser...
– Voilà quelque chose qui me plairait... Regom reg-e, puis-je espérer ?
– Qu’il en soit ainsi !
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23/02/2012
Aube, la saga de l'Europe, 305
Ils arrivèrent à la première levée. Un prêtre les accueillit. Il les pria de s'arrêter. Il prit une mine interrogative. Patience ! Les hiérarques venaient de se faire confirmer leur arrivée. Ils en répandaient partout le bruit. Ils devaient attendre que chacun, prévenu, ait quitté sa tâche pour descendre les honorer, eux et leur précieux fardeau. Les patrouilleurs prirent congé. Ils retournaient à leurs rondes.
Il les salua d'un air distrait. Il jaugeait, du coin de l’œil, le rempart. Il était haut comme deux hommes, vertical du côté des arrivants, couronné d'une palissade de forts rondins. Sur sa chaussée, des postes de guet s’échelonnaient tous les cent pas. Sa vue décourageait l'attaque, et si des fous passaient outre, les guerriers, au sommet des talus aménagés et dans les trouées entre les anciens mamelons en partie rasés, les repousseraient sans peine... De tels remparts étaient autre chose que sa clôture.
Il s’en lassa vite. Il aurait cent fois l'occasion de les observer de près. Allaient-ils attendre encore longtemps ? Il avait soif. Pouvait-il boire à sa gourde d'hydromel devant les gardiens ? Le messager, lui, bâfrait et rendait compte de sa mission entre chaque bouchée quand ils faisaient le pied de grue comme gens de rien. Quelle amertume de voir traités ainsi le Joyau et ses protecteurs ! La réception devrait compenser l'attente !
Bien juché sur son char, il croisait et décroisait les doigts. Le pire était de n’avoir aucune idée de sa durée. Heureux messagers ! Ils entraient partout sans délai. Comment se débrouillait-il ? ... Ah, être dans la peau d’un furet ou d’une couleuvre chasse-souris, lové dans un recoin de la salle du trône, pour l'entendre !
Le messager n'avait eu qu'à montrer son enseigne pour être admis dans la citadelle. Assurés de sa mission, les gardiens de la trouée avaient sonné de la corne pour l'annoncer aux guerriers de la polis, énorme bâtisse, fortifiée et entourée d'une palissade de troncs d'arbres centenaires, contenant en son sein le palais royal, les principaux sanctuaires, les salles de conseils des prêtres et des rois.
Un second coup de corne avait répondu. Les lances qui l'avaient arrêté s'étaient décroisées. Il pouvait pénétrer dans le troisième cercle, en direction de la citadelle.
Il était tôt. Une intense activité régnait déjà au pied du tertre où était bâti le vrai Kerdarya. Indifférent à cette agitation, à cette presse, à l'animation que donnaient au camp installé au bas du tertre sacré artisans et troqueurs, il s'était présenté sans délai devant les gardiens des massives portes de la ville-ner. Peu après, le temps d'avertir les principaux prêtres et le regs regom, on l'avait invité à entrer et emmené au palais.
Il y avait suivi son guide. Il s'attendait à voir, trônant, le roi des rois. Le regs bhlaghmen, entouré des plus hauts prêtres, l'accueillit. Des bruits couraient sur leur rôle accru depuis l’affaire des voix. Il n'en sourirait plus. Ils venaient, sous ses yeux, de s'avérer.
Le regs bhlaghmen l’avait salué sans l’inviter à parler. Il le regardait avec avidité, presque désir. Il retardait l’instant d’entendre que le Signe était arrivé. Il était loin, au temps où le roi de tout le peuple était choisi dans les première caste. C'était avant la grande expansion, avant que le diadème ne soit passé sur la tête des manieurs du glaive victorieux. Il ne leur était resté que le sacré. Le Joyau – le patrouilleur arrivé une demi-lune avant l'avait confirmé – en participait. Le prêtre recevait au palais royal, avant tout le monde, ses porteurs. Si cette brève prééminence, surtout protocolaire, pouvait être le signe de quelque chose de plus fort et de permanent ! Il montrerait, pendant ces jours où la pierre et ses servants seraient le point de mire, que le pouvoir leur était revenu. Si assez s'en laissaient convaincre, pourquoi ne perpétuerait-il pas cette autorité retrouvée ? Le roi actuel n'avait guère été élu pour sa forte personnalité. Il se faisait fort, bon manœuvrier, de récupérer la quasi-totalité du pouvoir dont ils avaient été dépossédés. Pourvu que le messager confirme tout !
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