13/02/2012

Aube, la saga de l'Europe, 299

Il n’y avait plus que quelques enrhumés. L’on n’attendrait pas qu’ils soient guéris pour repartir. Il n’y eut guère de protestations, sauf celles de deux vétérans bien enchifrenés. Ils auraient volontiers dormi plus longtemps. Leurs reniflements leur donnaient un ton nasillard et geignard. Il ne leur faisait guère honneur. Leur aspect était à l’unisson. Il soupira. Qu’ils restent près du feu, pourvu qu’ils l'aient rejoint avant le soir !
 
Il était parti depuis plus d’un pas du soleil. Il faisait avancer son cheval au pas, regard fixé vers les branches fortes dominant la piste. Beaucoup lui plaisaient, solides et bien placées... Aucune ne répondait à son désir de discrétion. Il devait être caché au-dessus du chemin emprunté pour tomber sur sa victime et l’abattre avant que son escorte ne réagisse. Toutes celles où il aurait pu se jucher auraient plutôt souligné sa présence. Il continua. Rien, encore rien, toujours rien. Elles le laissaient toutes à découvert ; les enchevêtrements qui l’auraient caché étaient trop fragiles ou trop haut. La lisière de la forêt n’allait plus tarder à apparaître. Il fallait qu’il trouve, pourtant.
Si ce passage pouvait convenir ! Il était étroit, et barré par une racine sortant du sol, assez haute pour obliger un cheval à la passer en levant les pattes. Ils ralentiraient pour le franchir. Il n’y aurait pas de meilleur endroit pour frapper. Hélas, les brindilles entortillées le surmontant, idéales pour cacher un homme, ne tiendraient pas quand il voudrait s’élancer. Il ne pourrait fondre sur son ennemi comme l’oiseau de proie. Il serait plutôt oisillon tombant du nid.
Il sauta par dessus la racine et se retourna vers le fragile entrelacs. Maudit soi/... Il avait parlé trop tôt. Juste au-dessus était une branche solide, d’où il prendrait son élan quand il sauterait sur la monture de son ennemi, pour lui trancher la gorge.
C’était la configuration idéale, tant souhaitée, tant cherchée. Les ramilles le cacheraient de la troupe survenant l’âme en paix, chacun assuré de sa sécurité. Il réexamina sa cachette. En regardant en l’air sous un certain angle, on se rendait compte d’une présence éventuelle. Il haussa les épaules. Ils surveilleraient les sous-bois, non les airs. Il monta sur l’arbre et se coucha sur la branche. Il pouvait se reposer et même somnoler un peu. L’escorte était assez bruyante pour le réveiller. Il n’en fit rien. Sa vigilance l’aurait tenu les yeux ouverts, eût-il veillé une main de nuits.

Les deux guerriers avaient promis de dormir un bref moment. Ils étaient encore étendus, entre veille et sommeil, quand il survint. Ils le saluèrent, un peu honteux d’être surpris à faire la grasse matinée. Oui, ils étaient de l’escorte du Joyau. Il ne perdit plus un instant en politesses. Quelqu’un voulait du mal à Kleworegs. Il le guettait dans la forêt. Un homme dangereux : il avait, malgré son jeune âge, eu assez de détermination pour lui courir sus en dépit de ses blessures et de ses peurs. Ils le regardèrent bouche bée. La nouvelle était si folle, si alarmante ! Ils sautèrent sans perdre un instant, se trompant de monture, sur leurs chevaux. Ils partirent sans même éteindre leur feu mourant. Il dut s’en charger.
Il remonta sur le rapide Albhos Ster. L’autre étalon le suivrait, ou se débrouillerait. Il parvint à portée de voix. Ils les héla plusieurs fois avant qu’ils ne daignent l’attendre.
Sa bête était moins fraîche. D’ici à ce qu’ils le distancent à nouveau ! Il devait les prévenir. Qu’ils avertissent leur roi de se méfier des fouillis de branches surplombant la piste. C’est de là, à son idée, que la mort surgirait.
– Tu lui diras toi-même. On va se relayer !
 
Il avait trouvé l’assise idéale, d’où sauter, à quel moment précis, et comment frapper. Il caressa sa lame. Il pouvait compter sur elle. Elle avait tranché des cuirs plus durs que la gorge d’un guerrier.

09/02/2012

Aube, la saga de l'Europe, 298

La chevauchée continua. L’escorte avançait parmi les arbres dont les dernières feuilles tombaient, malgré une résistance désespérée et inutile. Les rares à survivre mourraient au printemps, tuées par la sève nouvelle. La seule tache verte restait les immenses bois de résineux, refuge des loups et autres mange-miel. Cette partie de la forêt était plus calme. Les fauves ne trouvaient que maigre pitance dans l’immense futaie au sol de feuilles pourrissantes.
La piste, sans être large, aurait permis à deux chariots, sauf en quelques passages étranglés, de se croiser avec un minimum d’efforts et de bonne volonté. Elle n'autorisait pas pour autant une longue halte. Il fallait, pour trouver un gîte parfait, où les montures se débanderaient et paîtraient tout à leur aise, parvenir à une clairière naturelle, bien élargie par les nombreux voyageurs. Elle donnerait l’hospitalité idéale. Ils pressèrent le pas. Ils arrivèrent, bien avant ciel rouge, dans d'anciens essarts où passer la nuit. Il faisait un peu meilleur. Ils prendraient un sommeil réparateur. Ils se présenteraient fiers et fringants. Quelle allure auraient-ils sinon, tout couverts de belles fourrures et équipés d’armes de héros qu’ils étaient, goutte au nez et reniflant ? Que chacun se repose jusqu’à santé revenue !
 
Il suivait l’escorte à distance. Il n’avait pas mis longtemps à la rattraper après son somme. Voilà environ deux pas de Sawel qu’il maintenait le même intervalle entre eux. L’étroite piste était idéale pour sa traque. Au moindre bruit suspect, il se réfugierait dans les sous-bois, peu denses. Il les emprunterait quand il voudrait la dépasser en secret. Il avait déjà repéré, sur l’étroit chemin, des rétrécissements, des étranglements, à peine assez larges pour laisser passer un chariot. Même longs de quelques pas, ils convenaient à ses desseins, surtout ceux où deux arbres jumeaux entrecroisaient à faible hauteur leurs branches parasitées de gui ou de lierre.
Il faillit se laisser surprendre par la brusque halte. Quelle idée de s’arrêter alors qu’un bon moment encore restait à courir avant que le soleil n’entre en septentrion ! Il prit un chemin de traverse. Cette halte tombait à pic. Il aurait tout le temps pour tendre son piège et trouver le meilleur endroit pour se poster en embuscade. Il revint, sitôt assuré de passer inaperçu, sur la piste principale. Il y chevaucherait jusqu’au coucher de l’astre du jour. Il choisit son endroit pour être sûr d’être réveillé par le premier rayon de soleil. Il devrait partir tôt et aller à pas lents, jusqu’à ce qu’il trouve le lieu idéal pour guetter sa victime... fondre sur elle.

 
Il était content de lui. Il serait auprès de Kleworegs le lendemain, au milieu ou en fin de l’après-midi. La halte choisie par le roi avant de pénétrer dans la forêt était idéale. Le sommeil le prenait. Il s’y installa. Il se versa une grande gorgée de l’hydromel du maquignon. Il était sur. Quel dommage de n’avoir cassé que deux dents à ce pourri !

07/02/2012

Aube, la saga de l'Europe, 297

Il s’était installé tout près du camp. Ils allaient se réveiller. Il attendait, impatient. Il apercevrait Kleworegs avant de s’endormir. Il avait fait un long détour et attaché son cheval à bonne distance pour éviter que, sentant ses congénères, il ne hennît. Il se tenait derrière un buisson de ronces. Elles avaient perdu presque toutes leurs feuilles, mais avaient poussé drues, serrées à former un muret qui le cachait, et hostiles. Personne ne viendrait par ici. À condition de ne pas s’endormir de fatigue sur les épines, son poste de guet était plus confortable que celui d’où il avait observé son sanglier.
Le petit camp était silencieux. Les sentinelles, zélées, tendaient l’oreille au moindre bruit. Il avait avancé, furet, en tapinois. Elles n’avaient rien remarqué de son approche et de son affût muets. Le feu s’éteignait à mesure du lever du soleil, comme si sa pauvre lueur s’effaçait devant l’éclat céleste. Les guerriers s’éveillèrent.
Ils se plaignaient de la fraîcheur nocturne. Quelle fraîcheur ? L'attente avait coupé en lui toute sensation. À mesure qu’ils s’étiraient et se levaient, il tentait de deviner lequel allait mourir. Certes pas le colosse qui se raclait la gorge et venait de cracher vers le buisson, le manquant de peu malgré la distance. Le borgne qui le saluait avait bien une prestance royale, mais Kleworegs eût été connu sous ce nom s’il avait perdu un œil. Assez joué aux devinettes ! Il le saurait vite. C’est toujours le roi qui donne le signal du départ. Pourvu qu’ils ne tardent pas. Le sommeil le gagnait.
L’ankylose se mit de la partie. Il tint bon. Cette attente l’avait édifié. L’attaque de nuit, furtive et imparable, était exclue. Les gardes ne l’avaient pas remarqué pour la seule raison qu’il était resté au-delà du cercle de sécurité qu’ils s’étaient tracé. Le corps du mulot que le plus gros avait tranché en deux, rien que pour vérifier ses réflexes et s’assurer de sa précision, était là pour le prouver. Il n’aurait pas le temps, de cette façon, d’accomplir sa vengeance.
Il revint à l’escorte. Ils étaient à cheval, prêts à partir. Un grand homme mince et musclé, à sa tête, levait son bras armé.
– Pour la gloire de notre nom, en route, compagnons !
Kleworegs ! C’était lui ! Il savait enfin à quoi il ressemblait.
La seule chose qu’il ne savait pas encore était comment il le tuerait, mais il le tuerait. Ça, il le savait.

Il s’était posé les mêmes questions, avait fait les mêmes déductions. Son voleur oublié, seuls importaient le roi du Joyau et ses hommes. Il suivrait leur piste dès le point du jour. Il dormirait en attendant. Bien reposé, il parcourrait une plus longue étape. Il serait le soir à très courte chevauchée de qui il cherchait.
Il se fit un lit de branchages – le sol était mouillé – et se couvrit de son épaisse peau de loup. Le froid ne put rien contre lui. Ses montures coupaient le vent. Leurs flancs fournissaient une agréable chaleur. Il s’assoupit sans tarder.
 
L'escorte avait pris la grande trouée. Il retourna auprès de son cheval dormant déjà. Il l’aurait volontiers imité jusqu’au coucher du soleil. Le devoir primait. Son somme serait très bref. Au besoin, il somnolerait dessus. Il devait à un moment quelconque la rattraper et passer devant.
Il avait eu un signe en revenant près du coursier. Un milan fondait du ciel sur sa proie. Il avait remercié les dieux. Sa seule chance d’atteindre son ennemi était le guet-apens. Frapper, tuer, et... Ils savaient ce qui lui arriverait ensuite. Il s’en remettait à eux.
Il dormit tranquille. À son réveil, frais et dispos, le soleil était à mi-course vers son plus haut. Son poursuivant était en route depuis l’aube, dernier de ses soucis.

06/02/2012

Aube, la saga de l'Europe, 296

Ceux qui exploraient la vase n’avaient jamais autant été dérangés. Un troisième fâcheux avait surgi. Il était juché sur une bête superbe et en tenait une autre par la bride. Ils ne relevèrent même pas la tête. Ils ne s’étonnaient plus de ce défilé. C’était des retardataires. Ils le renseignèrent sans cesser leur travail. Les siens devaient avoir pénétré dans les bois depuis la veille, après leur départ du « village » trop humide à leur goût. Ils ignoraient par où... Une trouée, dans la forêt. Tout le reste serait supposition ou mensonge.
Il la regarda, au loin, pourpre sous le crépuscule. Le rouge de ses cimes embrasées avait des lueurs de sang.
Il se mit en marche vers sa lisière. Il ne s’arrêterait qu’au pied des premiers arbres. Il ne craignait pas la nuit. Seul la perspective d’un sommeil mauvais – il userait sa vigilance – ou trop long – il laisserait sa cible prendre encore du champ – l’effrayait.

***
 
Le messager savait quelle trouée emprunter. Le jour même où ils avaient renoncé (Que pouvaient-ils faire d’autre ?) à se reposer dans les parages du village inondé, ils trouvèrent un petit abri à l’entrée de la piste. Ils y dormirent tout leur saoul. Il se lamentait sur son Walkwis. Il deviendrait un immonde nid de moustiques. Ses compagnons tentèrent de le consoler. On créerait tout près un nouveau rendez-vous de trappeurs et de chasseurs, aussi vivant et animé. Cela ne lui fit aucun effet. Il avait attrapé un sérieux rhume sur les ruines du wiks de son enfance. Cette conjonction de maladie et de destruction était un présage funeste.
Kleworegs regardait sa troupe. On y toussait, éternuait, crachait, se mouchait à tout va. Même Pewortor, fier pourtant de sa solidité à faire honte au roc, éternuait, de temps à autre, en sonorités à faire s’écrouler une montagne.

Il essayait de trouver la piste de l’escorte. Pendant longtemps des caravanes avaient fait la navette entre le marché aux fourrures et Kerdarya. En désespoir de trouver les traces de ceux qu’il cherchait, il suivrait la plus fréquentée, aux ornières les plus profondes. Les autres menaient à des culs de sac ou l’éloigneraient. Si son instinct le trompait ? Il fut vite rassuré. Accroché à une tige d’herbe brillait, sous le soleil, un gros crachat sanguinolent. En un instant, des centaines de détails à peine entrevus, encore moins remarqués, tout au long de son chemin, se remirent en place. Il était tombé juste. Elle était tout près, au bout de cette route. Pourvu qu’ils n’aient pas envoyé un détachement en surveiller les arrières ! Le risque en était mince. On n’attend pas, en terres amies, celui dont le cheval a voulu muser ou souffre des sabots. Il pourra toujours rejoindre les siens à leur halte.
Continuerait-il jusqu’à la rejoindre et l’observer au cas où il devrait frapper de nuit ? S’arrêterait-il dès qu’il verrait un lieu assez abrité ? Il opta pour le premier terme. Même s’il ne devait qu’entr’apercevoir sa cible, et s’endormir aussitôt après, le but entrevu mettrait dans ses veines une nouvelle puissance et conforterait sa volonté. Il se sentirait plus assuré pour sa vengeance. Il n’avait jusqu’à présent qu’entendu un nom. Il devait, pour savoir s’il aurait la force de frapper, voir un homme.
Il chevaucha, chevaucha dans la nuit. Ses yeux se fermaient, il baillait. L’orée du bois se rapprochait. Soudain, sous les rayons de lune tombant d’entre les branches dépouillées, il vit un petit feu, et de nombreux petits monticules entourant un monticule plus gros... Kleworegs, son escorte, son chariot... Il touchait au but.

05/02/2012

Aube, la saga de l'Europe, 295

La chasse continua. Les proies allaient l’âme en paix – leurs arrières étaient sûrs – ; les chasseurs suivaient leur piste à bride abattue – ils les rejoindraient bientôt –. Kleworegs, objet tant d’une vindicte mortelle que d’une volonté protectrice, ignorait l'une et l'autre. Il nageait dans le parfait bonheur du héros acclamé partout où il passe. Ses hôtes d’un soir étaient, dans ces terres plus actives que celles du midi, aux échanges plus fréquents, moins prodigues en viandes grasses et boissons fortes. Il pouvait enfin manger sans excès au lieu de se bourrer à s’en faire éclater la panse. Pewortor observait les armes. Ils étaient bien équipés. Les forgerons lui parlaient d’un maître qui leur avait enseigné des secrets reçus de la bouche même des dieux. Après son départ, ils s’interrogeaient. Le guerrier si curieux lui ressemblait un peu. Le jour viendrait peut-être où il répondrait à cette question, comme ils avaient répondu aux siennes.
 
À l'insu de Kleworegs, son tueur se rapprochait. Il avait l’esprit clair et joyeux. Sa discussion avec des paysans au bord de la route l’avait éclairé. Il avait beaucoup gagné sur lui. Ce n’était pas une raison pour traînasser. Il ne pourrait attaquer de front un homme de sa trempe entouré de dizaines de guerriers. Il devait étudier un plan qui lui permette de frapper un seul coup – Il n’aurait pas droit à plus –, mais décisif. Il avait besoin d’une journée au moins. Il n’aurait guère de façons d’abattre celui qu’il voulait voir mort : le tuer dans son sommeil, déjouant les sentinelles, ou se jeter sur lui, quand il se croirait en parfaite sécurité, en une attaque suicide. Toute autre l’exposerait à la mort avant d’avoir accompli sa vengeance. Après, il n'importait !
 

Il était satisfait. L’avance de son voleur fondait. Quoi d’étonnant avec deux montures ? Le rattraperait-il avant l’orée de la grande forêt ? S’il y échouait, il renoncerait à sa chasse. Il courrait tout droit prévenir Kleworegs. Il eût préféré lui amener, lié, son ennemi. Il était un homme reconnaissant. Il récompenserait qui lui avait sauvé la vie... À moins qu’il ne rie, devant la faiblesse et le jeune âge de son adversaire. Il tenait en ce cas prêtes cent légendes contant comment un serpent avait vaincu les plus grands héros, ou un aveugle abattu un roi en l’atteignant par jeu d'un trait mal placé. Il serait convaincu. Il le comblerait de dons. Oui, il devait vite capturer le petit malfrat. Cette tâche aisée lui vaudrait un précieux ami...
... Maudit soit-il pour sa bêtise ! Jamais il n’avait autant dormi – un jour où il ne fallait pas paresser – depuis plusieurs mois. Il avait calmé la douleur de sa pommette en mâchant l’herbe qui endort. À force d’en reprendre, il était tombé dans un long sommeil. Tout le terrain gagné la veille avait été perdu. Il n’était plus que grignotage de souriceau face à l’énormité du champ repris par sa cible. Il sauta sur son cheval. Les lamentations ne feraient que le retarder. Il ne lui restait qu’à prévenir celui qu’il voulait sauver.

***
 
L’année s’avançait. Le temps, à l’approche de l’hiver, se mettait au gel. Le froid ne les gênerait pas longtemps. Leur prochaine halte serait Walkwis, le grand marché à fourrures, débouché naturel de la forêt s’étendant de ses confins jusqu’à Kerdarya. Avec ses nombreuses tanneries, il exhalait une puanteur qui le signalait de loin. Une autre senteur les accueillit. Ils trouvèrent, à leur grande surprise, au lieu d’un rendez-vous de trappeurs, un bourbier couvert d’un épais brouillard de miasmes fétides. Ses rares habitants les renseignèrent. Ce malheur était tout récent. Des mouvements de terrain avaient surélevé et déplacé le lit des rivières sur les rives desquelles travaillaient les corroyeurs. Walkwis ne serait bientôt plus qu’un nom dans les mémoires, à moins qu’il ne devienne Laksis, Celui du poisson.
Ils étaient unanimes. Pas question de rester un instant de plus dans le village inondé et détruit ! Ce fut encore trop pour la moitié de la troupe. Elle ne garda de ce court séjour qu’un rhume persistant. Le nez des derniers malades coulait encore la veille de leur arrivée.
 
Maudits jumeaux de la nature ! Il était arrivé à ce qui ne serait plus jamais Walkwis. Il y avait appris le passage en flèche de sa cible. Il fulminait. Quelle malchance que l’ancien rendez-vous des trappeurs ait été envahi par les eaux ! Kleworegs y dormirait encore ou n’en serait, au pire, éloigné que d’une brève chevauchée. Au lieu de cela, il était déjà bien engagé dans la forêt, par n’importe laquelle de ces trouées au loin. Aucun de ceux capables de lui dire la bonne n'était resté. Il n’abritait plus que des vagabonds en haillons. Ils fouillaient la boue qui cachait peut-être des poteries, des bijoux, des armes. Il préféra ne pas les déranger plus longtemps. Son interlocuteur était tombé sur un filon... décevant. Des beaux tissus ne supportent pas une immersion prolongée. Il s’éloigna.