02/01/2012

AUBE, la saga de l'Europe, 272

L’INVITATION
 
 
Ils ne tardèrent à le rejoindre. Ils l’accueillirent avec les formules de respect et de bienvenue les plus fleuries et lui firent escorte. Arrivé devant Kleworegs, il mit pied à terre. Il le salua, se présenta, lui exposa l’objet de sa visite.
Le roi l’invita à le suivre. Le chef patrouilleur et l’élite de ses guerriers se joignirent à eux. Tous se rendirent chez lui. Il ouvrit sa porte. Il signifia à l’un de ses habituels commensaux d’aller chercher l’hydromel. Il fallait désaltérer l’arrivant et lui faire l’honneur de l’accompagner.
Ils entrèrent. Une foule se forma devant le seuil. Ils espéraient des nouvelles. L’envoyé ponctua son salut d’un large sourire peu engageant. Il lui manquait trois dents... Moins qu’à beaucoup, mais en haut et devant. Il ne pouvait le cacher.
De tempérament et par contrainte, il souriait peu. Il affectait au contraire une attitude revêche, hautaine – un homme de son rang ! Face à Kleworegs, il était, pour la première fois depuis longtemps, tout amabilité. Il avait croisé nombre de ses hôtes. Tous, quand il avait demandé s’il était sur le bon chemin, le lui avaient confirmé. Ils lui avaient conté la magnificence et la munificence de son accueil. Dommage qu'il arrive si tard ! Il n’avait plus rien à troquer, hors des pièces rares à la seule portée d’un haut roi. Il les avait écoutés, et agité son étendard dévoilé. Le signe était clair. Ils n’avaient vu que le début de son ascension... Ils l’en avaient loué encore plus.
Il l’admirait. Ce n’était pas la teneur de son message qui l’aurait fait changer d’avis. Depuis que le roi des rois et le conseil des prêtres le lui avaient confié, il se l’était récité cent fois. Non de crainte de l’oublier, pour en goûter toutes les implications... Dans quelques instants, après s’être abreuvé pour ne pas avoir la gorge sèche, il le délivrerait... Il prendrait son temps. Kleworegs avait attendu. Il patienterait encore. Ce ne serait pas cher payer le plaisir d’entendre les ordres de Kerdarya récités d’un seul tenant, d’une voix ferme. Rien n’est pire que les interruptions ponctuant un discours d’assoiffé.
Il n’avait aucun scrupule à le tenir sur la braise. Ni lui ni Kerdarya n'avaient perdu un instant. Il était parti dès que le roi des rois lui avait confié son message. Il n’avait dû le répéter que trois fois avant de le connaître par cœur. Il n’en avait rien oublié, pas plus que des circonstances de cette mission. Les hiérarques n’avaient pas traîné non plus. Ils n’avaient pris que le temps d'examiner le récit du patrouilleur... Non, nul n’était responsable du retard. Bhagos avait entravé les pas de celui qui avait vu le Joyau. Lui seul était à blâmer.
Ils auraient dû être avertis bien plus tôt. Mais l'envoyé de la patrouille avait, peu après son départ, fait une mauvaise rencontre. Sa route avait croisé, le dérangeant dans sa chasse, celle d’un mange-miel. La bête, rage exacerbée par la faim, s’était jetée sur son cheval. Surpris par l’attaque, le coursier l’avait fait choir dans sa vaine ruade désespérée pour échapper à la mort.  
Son cheval, éventré, agonisait. Il avait eu le temps de se relever. Étourdi par sa chute, il n’était pas venu sans peine à bout du fauve qui, sa rage assouvie sur l’étalon, s’était retourné contre son maître. Avant de le tuer, il avait reçu de nombreuses griffures, larges, profondes. Son sang et ses forces s’en étaient écoulés. Il était resté plusieurs jours près des cadavres. Il devait dormir et se soigner. Les herbes que les guerriers gardent dans un petit sachet n’avaient que calmé sa douleur. Un peu remis sur pied, il avait marché vers le village le plus proche. Il y était déjà passé. Il s’était fait reconnaître. Il avait troqué son glaive à la poignée dorée contre un cheval et une mauvaise hache. Il avait perdu au change. S’imaginaient-ils, devant son piteux état, ne jamais le revoir ?
Il les avait mal jugés. À peine l’échange effectué, le guérisseur l’avait supplié de se reposer. Il devait recouvrer force et santé. Il aurait, alors, une petite chance d’échapper au sort fatal qui le menaçait avec ses blessures pas ou mal soignées. Il avait refusé. Le prêtre lui avait donné un petit pot rempli d’un baume. Il guérirait ses plaies suppurantes, déjà infectées. Il l’avait obligé à rester le temps d’en ôter le pus. Non sans peine. Il l’avait menacé de reprendre le cheval s’il ne lui cédait pas.
Un peu rétabli, remis sur pieds, il était reparti, sur leurs paroles de chance. Son voyage avait été pénible, tout en courtes étapes. Par la vertu de l’onguent, ses blessures, tout en continuant à l’élancer, avaient un peu cicatrisé. Il était enfin arrivé.

01/01/2012

AUBE, la saga de l'Europe, 271

Outre les serviteurs et les glaives de parade, les tissus partirent fort bien. On troqua même les moins beaux, atteints de mangeures qui les eussent en toute autre occasion fait rejeter. Les moins riches se contentaient de ce souvenir d’un raid si mémorable. Ils échangeaient une belle peau – souvent le seul bien de valeur – luisante, au poil fourni, contre ces mauvais tissus, certes, mais de si noble provenance. Restaient les bijoux. C’était le seul hic. Face aux belles turquoises, aux opales laiteuses, aux pectoraux guillochés d’or, il y avait peu de répondant.
Tout le village en profita. Ceux qui avaient le plus matière à se réjouir étaient les forgerons. Ils avaient reçu leur substantielle part de butin, composée, depuis l’accord déjà ancien entre Kleworegs et Punesnizdos, de tout le métal non ouvré et de la pacotille, et négocié leurs armes au mieux. Le récit du roi et ses louanges avaient persuadé ses hôtes de la puissance de leurs glaives et haches. Il serait bon d’en acquérir. Pour ces armes assurant, au moins favorisant au plus haut point la victoire, et garantissant des combats plus beaux conduisant à des triomphes plus éclatants, ils donnèrent beaucoup. Leurs bronzes, réservés aux guerriers des clans n’entrant pas en compétition avec le leur, partirent au double des conditions habituelles. Ils exultèrent. Leur déjà imposant cheptel s’augmentait encore.
Les lendemains virent la même ambiance affairée. Le volume des transactions, presque toutes expédiées le premier jour pour éviter que d’autres n’en profitent, déclina. Seuls les forgerons travaillèrent tout le long du séjour des hôtes. Les activités liées au Joyau, en revanche, ne fléchirent pas un seul jour. Kleworegs nageait dans la joie. Son nom revenait souvent dans les invocations adressées à la gemme. Ces admirateurs répandraient partout le bruit de ses exploits.
Ses visiteurs, venus parfois de très loin, étaient partis. Ils avaient payé son hospitalité avec libéralité. Il fit le bilan de ces fêtes. Sa richesse avait été plus affirmée que jamais. Son prestige s’était accru dans des proportions défiant tout calcul. Pourtant, il lui manquait quelque chose – Il était plus juste de dire qu’il l'avait en trop – pour que son bonheur soit complet. Pourquoi Kerdarya ne leur avait-il pas dépêché – sitôt reçu son message – un porteur de l’avis de lui réserver le Joyau ? Il ferait l’ornement du cœur et du sanctuaire du pays.
Le chef patrouilleur, honte au front, partageait ce souci. Il les avait entendus. Son envoyé n’avait pas rendu l’intérêt de la gemme. Quel idiot ! Il n’avait su expliquer aux plus grands d’Aryana que le Signe (Il avait tout expliqué à Kleworegs. Les oracles avaient reçu un avis des dieux. Un roi guerrier prendrait de vive force à l’ennemi et tiendrait entre ses mains un joyau d’origine céleste. Il conduirait son peuple à un grand destin.) les attendait ici. Les siens grondaient devant ces calomnies. C’était dur de respecter l’hospitalité et de les défendre envers et contre tous. On s’acheminait vers des rixes. Dieux merci, peu après, un garde se présenta, tout essoufflé. Un messager, porteur de l’étendard de Kerdarya, arrivait.
On ne le confiait, en de très rares occasions, qu'aux messagers de confiance. Ils se précipitèrent aux remparts. Il flottait au loin, éployé et brandi pour n’échapper à aucun regard. Le patrouilleur avait accompli sa mission. Ses amis prenaient leur revanche. Ils tournaient en dérision leur manque de confiance. Les autres le regardaient. Leur joie était grande. Ils en supportaient les sarcasmes, tout en s’étonnant du retard, avec un remarquable souci de pardon des injures. Pour calmer les susceptibilités, Kleworegs les invita tous à venir boire l’hydromel. On se réconcilia autour des cornes.
L’exaspérant retard était oublié. On ne chercherait pas de coupable. Le cœur n’était plus qu’à la joie. Kleworegs héla deux des siens.
– Partez à sa rencontre, dites-lui que nous l’attendons... Et une fois à ses côtés, traitez-le bien et parlez-lui comme au plus haut prêtre ou au roi des rois.

Non, Kleworegs n’était pas passé dans le village où ils savaient tout. Tant pis ! Il profiterait de leur hospitalité pour se reposer et recevoir les soins indispensables à la poursuite de sa quête. Il attendait, interrogeant tout un chacun. Il avait honte. Comme ils étaient, dans son trou, ignorants et loin de tout !
Le monde était si beau, si varié. Il y avait tant de choses à découvrir... Et pour venger l’honneur, il allait l’abandonner. Ah, renoncer à la vengeance ! Tout éprouver, tout connaître ! Il n’en avait pas le droit. Il n’en aurait jamais le temps. Il implora les dieux. Qu’ils lui permettent de goûter un peu, avant de la perdre, cette vie qu’il découvrait.
Ce village était un vrai rendez-vous de voyageurs. Les visiteurs du clan du Cheval ailé avaient rapporté qui des trésors, qui des anecdotes, de leur séjour chez Kleworegs. Ils avaient aussi tenu leurs promesses de répandre partout sa gloire. C’est ainsi qu’il entendit parler, dans ce wiks où il soignait sa blessure, du grand troc de son butin. À peine cette nouvelle effleura-t-elle ses oreilles, il se leva et alla interroger l’arrivant. Il ignorait où était ce village, mais avait su cette histoire par un prêtre d’une bourgade non loin de la sienne. Son chef y avait participé. Il lui dirait où porter ses pas pour s’y rendre.
Il serait volontiers parti sur-le-champ, tout regret d’être passé à côté de la vie aboli. Sa jambe le faisait encore un peu souffrir. Le voyageur l’entendit. Il rentrait chez lui. Qu’il profite de son char ! Une fois arrivés, il lui en montrerait la route, à moins qu’il ne l’y conduise. À lui de se débrouiller ensuite.
Il acquiesça. Il se rapprochait de sa cible.

30/12/2011

AUBE, la saga de l'Europe, 270

Il s’ensuivit un effet boule de neige. La popularité des maîtres du village crût encore. Elle atteignit un degré auquel ils n’auraient jamais espéré accéder. Les dieux les favorisaient de toutes les manières. Ce devint un article de foi. Une bonne moitié des assistants, dont certains ignoraient encore la veille jusqu’à leur nom, étaient prêts à tuer pour lui. Chacun louait leurs nombreuses qualités, cherchant à les dénombrer. Une fois ce compte fait, ces zélateurs étaient à bout d’imagination. D’autres se levaient pour surenchérir. Ces vertus étaient poussées chez eux au point ultime. Nul ne les égalait en bravoure non plus qu’en aryamenos. Nul n’illustrait mieux ces vertus si prisées, car inhérentes à leur peuple. Ils affectèrent d’être gênés par cette avalanche de louanges. Leur confusion sonnait faux. Leurs réticences cessèrent bientôt. Cette admiration sincère était trop agréable.
On continuait à admirer le k’rawal, et à en parler. Son caractère sacré s’imposait. Plus guère n’osaient prononcer son nom. Pour l’adorer ou en implorer la protection, ils disaient la pierre qui flamboie, la protectrice, le talisman. À force d’en parler par allusions et périphrases, sa force mystique et surnaturelle croissait. Ils s’en aperçurent vite. Cela les réjouit, d’autant plus que ce respect et cette adoration s’adressaient aussi à eux, ses inventeurs. Il avait déjà commencé à faire tomber sur eux une pluie drue d’honneurs et d’avantages... Si en plus c’était le Signe.
Un de ces avantages apparut vite, déjouant les prévisions pessimistes. Devant l’affluence devant lui, d’aucuns s’étaient inquiétés. Les visiteurs, emportés par le désir de le voir, négligeraient le troc au profit des dévotions. Les affaires marcheraient mal. Ils feraient la queue pour l'admirer, plutôt que d’échanger leurs bêtes. Crainte vaine ! Son caractère sacré s’était étendu, de proche en proche, à tout ce qui avait affaire, de près ou de loin, avec lui. Chacun se précipitait pour en obtenir sa part. Les hommes de Kleworegs, rechignant à troquer le bétail capturé, restaient disposés à céder glaives de parade et captifs. Les échanges allèrent grand train. Dès le premier soir, tout ce qui était disponible était échangé ou retenu au mieux, et au-delà. Les visiteurs offraient, contre des captifs solides, capables de recevoir une éducation et de les bien servir, non les coutumières dix pièces de bétail, mais douze, treize, plus encore.
Pour ceux de la grande horde, les prix furent encore plus élevés. Leur utilité en tant que serviteurs serait nulle. Ils causeraient plus d’ennuis qu’ils ne rendraient de services… mais leur simple présence serait l’ornement et la fierté de leurs acquéreurs. Ils partirent contre environ le double de ce qu’on offrait pour un captif ordinaire, de taille, santé et âge égaux... Ils ne seraient peut-être pas si inutiles. On les accouplerait aux meilleures servantes… Et même leur vigueur enfuie, ils illustreraient encore la puissance de leurs maîtres. Ils étaient un élément de prestige. Leur prix, tout élevé qu’il fût, se justifiait.

29/12/2011

AUBE, la saga de l'Europe, 269

Tous, y compris ses familiers, s’exclamèrent devant ce prodige. Il faillit être fatal au profanateur. La réaction du Joyau était une réponse immédiate des dieux à son sacrilège. Ils montraient leur volonté. La foule se rua pour l’écharper. Les gardiens eurent la plus grande peine à la contenir. Seule l’autorité conjuguée du prêtre et de Kleworegs, remonté lui prêter main forte dès qu’il avait senti les prémisses du grabuge, désarma sa colère. Cette intervention n’avait rien d’altruiste. Tout était à craindre si les assaillants, envahissant les tréteaux, le faisaient tomber et le détruisaient. Pour le reste, l’insulteur des dieux, des rois, des prêtres et des siens aurait pu périr cent fois.
Leur prestige suffit. La foule renonça à grimper faire un mauvais parti au sceptique. Même les plus excités abandonnèrent l’idée de lui faire passer le goût du gibier. Il devait pourtant être puni. Pour avoir souillé le sacré, il était devenu un réprouvé, son noir pendant et son double démoniaque. Sacré/réprouvé, il ne pouvait plus être touché que par la main des prêtres. Son châtiment serait le bannissement du pain et de l’eau. Il serait dépouillé de tous ses vêtements et chassé, le corps teint d’une matière indélébile, du village offensé. Ceux qui le rencontreraient seraient tenus de ne pas lui accorder l’hospitalité de leur feu, même par la pire froidure de l’hiver, non plus que la charité d’une gorgée d’eau, même au plus brûlant de l’été. Retranché de l’espèce des hommes, devenu intouchable, il n’aurait plus que la compagnie des bêtes et l’eau des ruisseaux. Sauf rarissime pardon des dieux, il périrait vite de leur terrible justice.
Kleworegs conféra longtemps avec ses pairs et les prêtres. Il se rangea à l’avis de son bhlaghmen, tout heureux d’avoir été témoin d’un miracle. Un tel châtiment, pourtant mérité, messiérait en un tel jour de liesse, de fête, de triomphe. L’on confisqua tout ce que l’impie avait amené à troquer. Kleworegs eut ses bijoux. Les prêtres, ses bêtes. Elles seraient la base du futur troupeau où l’on puiserait les victimes des sacrifices au Joyau. On le chassa du village qu'il avait bafoué. Il s’enfuit, aboyé de tous. On cracha dans les traces de ses pas. Il s’en tirait trop bien !
Pendant ce jugement, au vu et au su de tous, les commentaires sur le prodige n’avaient pas manqué. Seuls les prêtres sur l’estrade l'avaient bien vu, mais l’avaient décrit d’abondance à leurs voisins. Ceux-ci en avaient repris et amplifié le récit. Du premier au dernier rang, l’on avait échangé idées, opinions, suppositions. Peu importait qu’on l’ait entr’aperçu de loin ou que, comme la plupart, on n’en ait rien vu. C’était à qui en disserterait avec le plus d’éloquence, entrelardant ses discours, tous les trois ou quatre mots, de lieux communs et de mots tout faits propices à appuyer le surnaturel.

22/12/2011

AUBE, la saga de l'Europe, 264

Le soleil s’était levé depuis peu. Tous ou presque étaient déjà debout, yeux fermés à moitié de n’avoir pas ou peu dormi. Ils attendraient des pas de Sawel pour voir l’objet de leur convoitise. Certains avaient passé la nuit devant sa tente. De leur groupe provenait un concert de toux et d’éternuements. Il trahissait, autant que la gelée blanche, le froid nocturne.
Kleworegs – il était bien le seul – dormait encore. Le bhlaghmen s’était réveillé. Il vint le prier de se montrer. Sa vue calmerait la foule au bord de la ruée.
Il s’habilla. Le prêtre fit renforcer la garde. Enfin, il sortit. Ils se dirigèrent vers l’estrade où il avait prévu de monter, la veille, dire son périple. Les circonstances l’avaient contraint à rester à sa place au banquet. Il y déclarerait l’ouverture des festivités et y présenterait sa prise dans un luxe et une débauche d’effets à marquer ses hôtes pour une génération. Ceci compenserait l’absence de solennité de son récit.
Les acolytes avaient décoré l’estrade aux couleurs des neres. Un velum de lin blanc, de nombreuses bandes non cousues, l'abriterait. Aux quatre coins flottaient des bannières rouges, découpées dans le tissu aux reflets brillants pris dans le butin. On y accédait par une échelette aux barreaux larges et peu espacés, facile à grimper même bras encombrés. L’ostension serait réussie, qu’importe le temps. Il en avait étudié la disposition et la décoration à cet effet. On pourrait admirer le Joyau tant qu’il ferait jour. Pour plus de précautions, un second dais, destiné à le protéger, doublait le premier voile de lin. Entre les linges qui l’entouraient et les guerriers qui le gardaient, il était bien défendu, des éléments comme des hommes.
Kleworegs, arrivé au pied, y monta. La construction était conforme à ses vœux. Son bhlaghmen n’aurait aucun mal à faire comme lui, même avec le coffret. Une grande foule se pressait devant. Il la harangua. Pas d’inquiétude ! Ils allaient enfin, ce n’était plus qu’une question d'instants, contempler le Joyau. À preuve, le prêtre se dirigeait vers la tente où il était gardé. Il retournerait bientôt avec lui. Qu’ils patientent encore un peu, un tout petit peu ! Leur récompense n’en serait que plus grande.
Des cris de déception s’élevèrent, venus des rangs de ceux qui avaient veillé, dans la nuit froide, à la porte de la tente. Leur attente avait été mal récompensée. Ils ne le faisaient pas dire. Ceux près de l’estrade poussèrent des cris de plaisir. Ils fâchèrent encore plus ceux qui attendaient au mauvais endroit.