29/11/2011

AUBE, la saga de l'Europe, 243

Et il y avait ce mot du patrouilleur sur un “ signe annoncé ”, sa réaction quand il avait vu la pièce majeure du butin. Il était normal qu’au vu de sa beauté, il ait tenu à avertir ses mandants au cas où ils voudraient troquer ce joyau contre un troupeau de beaux coursiers. Mais il avait à ce point pressé son messager... Et pourquoi cet honneur inouï conféré au forgeron, rien que pour s’en être emparé ? S’il lui avait parlé un peu de son raid, il aurait été plus disert. Il avait sa fierté. Il attendrait l’ouverture du grand troc pour l’interroger, à moins que l’homme de Kerdarya ne se décide à parler avant. Sans son usage de partir au combat à peine terminés les tournois, il en aurait su plus long par les prêtres allant de village en village... Pas de regrets ! Son clan vivait de butin, non d’anecdotes et de nouvelles.
Le voisin de Pewortor, qui avait fui – oui, c’est le mot – mal à l’aise devant sa joie étrange pensait lui aussi, en priant, à ces malheurs des temps anciens où luttaient dieux et démons. Si, soudain, le hideux prodige de la nuit surgissant en plein jour, comme il lui était arrivé de le craindre certains jours d’orage, survenait à nouveau ? Les hymnes disent que toute chose se répète. Le chef forgeron ou sa lignée, commandant à la nuit, reviendrait à la tête de cent mille démons. “ Quand l’ordre du monde sera brisé... ” ... Ce parvenu et son fils brisaient cet ordre, comme l’irruption de la ténèbre en plein midi. L’ancien chaos et la lutte des démons acharnés contre les dieux lui avaient donné naissance. Si le démon qui possédait son corps s’élevait contre les neres, quel monde naîtrait ?
Le prêtre avait fini son oraison. Il donna congé à tous et resta seul dans la nuit. Pourquoi chez tous ceux qui l’avaient entouré pour la prière cette palpable tension ? Il se réjouit de la ferveur angoissée avec laquelle ils avaient imploré le ciel. Toutes les générations avant eux avaient prié ainsi. Le malheur que leurs invocations révoquaient n’était jamais survenu. Il fallait penser à celle qui viendrait, à celle qui la suivrait, à toutes les autres... et avoir envers elles la même sollicitude que les premières leur avaient montrée. C’était ces actes de dévotion qui lui faisaient barrage. Ils constituaient un obstacle et un repoussoir à cette abomination qui en entraînerait bien d’autres.
Il tomba à genoux. Il ferma les yeux. Il eut, sous ses paupières, la vision de ce moment maudit. Il vit arriver le jour où Akmon supplantait, ne serait-ce qu’un instant, Dyeus ; le jour où, comme disent les prophéties, l’astre couleur de nuit, au plus fort de la brillance du soleil, le dévorait et le recrachait. Sa lignée ne le verrait pas, et il viendrait pourtant bientôt. Bientôt... Que veut dire bientôt au regard des dieux, pour qui un jour est plus court que le vol d’une flèche ou plus long que la vie d’un vieillard chargé d’ans, à leur gré ? Qu’importe, la simple perspective entrevue suffisait à geler son cœur.
Sa lignée serait-elle plus malheureuse de disparaître, où d’assister à la fin d’Aryana évoquée par la prophétie ? Il demanderait à ses ouailles de prier Dyeus, encore, toujours. Tant qu’un des siens l’implorait, un même jour continuait. Oui, il fallait prier. Cela retarderait à jamais le bientôt.

28/11/2011

AUBE, la saga de l'Europe, 242

Même les plus ivres, qui avaient hoqueté entre chaque mot lors de leurs récits, la psalmodièrent sans la moindre erreur ni hésitation. L’eussent-ils été dix fois plus qu’ils n’en eussent pas manqué un mot. Elle avait prouvé son efficacité. Nul n’aurait songé à en changer une parole, non plus qu’à oublier de se la réciter avant de tomber dans le sommeil. Ceux d’Aryana avaient, depuis que le monde était monde, prié avec une piété et une ferveur suffisante. Le jour avait toujours, aussi loin qu’allait la mémoire, répondu à la supplique de ses adorateurs. Il n’avait jamais manqué de déchirer l’obscurité pour réapparaître aux yeux de ses suppliants.
Les prêtres, qui dirigeaient cette prière nocturne, appréciaient leur piété. L’alternance du jour et de la nuit serait assurée. Mais avant que l’on ne connaisse cette invocation et que le peuple ne se soit répandu sur la terre, ce n’avait pas toujours été le cas. Dans les âges très anciens, il était arrivé que Dyeus voilât longtemps sa face, tandis que le froid, frère juré des plus noires ténèbres, venait glacer corps et âmes. Ces temps, grâce à la multitude des fils et servants du dieu jour, étaient révolus, et le resteraient tant qu’ils suivraient la voie droite. Mais malheur à eux s’ils laissaient croître et prospérer en leur sein blasphème et impiété. Des voyageurs, venus de plus loin qu’on ne peut concevoir, leur avaient conté qu’ils avaient ouï dire qu’Akmon, le firmament, était venu défier Dyeus en plein jour et l’avait tenu en échec un moment. Ils avaient rameuté toutes leurs ouailles pour qu’ils le redisent et, à l’entendre, tous avaient frémi. Le cataclysme avait beau avoir frappé des terres où Dyeus n’était point adoré, il préfigurait ce qui pourrait arriver, même en Aryana, si la loi divine était insultée. Alors, Aryana n’existerait plus, ceux du nord se défieraient de ceux du midi, les tribus se combattraient ou se refuseraient leur alliance, chaque clan, persuadé de sa piété et de la forfaiture des autres, s’en éloignerait... Pour combien de générations, pour quelles guerres fratricides ? Il n’y fallait pas penser et prier, très fort, et respecter l’ordre divin.
Cette nuit, la prière s’élevait, bien haut, vers la voûte où chaque lueur était une brèche minuscule forée par le dieu jour. Chacun savait que la force de ses mots, s’ajoutant à l’effort divin, la fendillerait, la rongerait, la dissoudrait. C’était cette aide infime des hommes qui, combinée à la vigueur du dieu clair, brisait ou érodait la pierre noire, semblable à une dalle de tombeau, qui enfermait sa puissance. Il les avait désignés pour l’appuyer dans cette tâche toujours renouvelée. C’était leur honneur et leur fardeau. Qu’ils en soient indignes et laissent la nuit envahir le domaine de leur père Dyeus, ils ne mériteraient plus d’être un seul peuple à son service. Ils devraient alors régner sur toute la terre, chacun de leur côté, pour redevenir ses fils... Ce serait leur nouvelle mission, qui leur permettrait de pouvoir un jour, après la faute, se dire à nouveau enfants du jour.
Kleworegs y pensait, serrant son glaive. Il trouvait dans cette malédiction un espoir. C’était comme la punition du guerrier qui retrouve par son courage le statut qu’il a perdu, et dont la gloire, trempée au feu de l’épreuve, resplendit après la honte. Et si – non, ce n’était pas un blasphème – les héros chantés dans les hymnes ancestraux avaient été eux aussi les fils d’un antique châtiment. Le sort qui attendait Aryana impie ressemblait fort à celui qui continuait à frapper les terres foraines, celui du monde aux temps immémoriaux où le vice et la vilenie le régissaient, où le chaos semait le trouble et mêlait tout en un magma informe. Tel serait Aryana si elle péchait... Et comme ces dieux et ces héros avaient remis l’ordre sur terre et chassé les forces mauvaises, des guerriers se lèveraient pour laver sa honte et devenir, aux yeux de leurs descendants, aussi grands que ceux jusqu’où ils avaient voulu se hausser. Le monde serait, comme dans les temps de la création, semblable au sortir d’une jarre renversée, jusqu’à ce que dieux et héros naissent de son sol et établissent un monde meilleur, dont elle était le fleuron.
Ces temps de confusion avaient été une pépinière d’êtres au-dessus des hommes par le courage et la force. Il s’en savait pourvu à l’envi. Il ne souhaitait pour rien au monde la fin d’Aryana, mais plus que tout, maintenant qu’il avait un fils, devenir un de ces héros que tout roi revendique pour ancêtre. Au contraire de ceux-ci, qui avaient reconstruit sur des décombres, il bâtirait sa gloire en grandissant la gloire de sa nation. Il serait le premier à faire l’objet d’une vraie épopée de son vivant. Quel honneur pour sa lignée quand les siens diraient à ceux qui écouteraient les diseurs sacrés : “ Nous connaissons cet homme ! Il est notre roi ! ”

18/06/2011

Poètes d'Europe - Samira Begman (Suisse)

Samira Begman 120.jpgSAMIRA BEGMAN- KARABEG est née en Bosnie et Herzégovine en 1954. Elle émigre en Suisse en 1978 et devient citoyenne de ce pays. Samira a fait des études supérieures d’économie et de tourisme à l’Université de Belgrade. En Suisse, Samira Begman acquiert une vaste expérience dans le domaine de la gestion de patrimoine (dix ans d'expérience). Elle a travaillé comme spécialiste de la sécurité et responsable de la formation des apprentis à l'UBS de 2000 à 2002.

Samira Begman est bilingue. Elle parle l’allemand et le bosnien. Elle se sert du russe et de l’anglais. Elle a été a été comptable dans une importante entreprise russe dont le siège se situe à Zurich.

Samira Begman est une excellente poétesse et traductrice.

Œuvres :

Anthologies et revues

De 1992 à 2010, elle a eu de nombreuses publications dans des journaux et revues suisses et bosniaques.
2004 "le temps du mutisme"
Poèmes, Editions Divan, Suisse
2004 "la bibliothèque des poèmes germanophones"
Editions Realis, Allemagne
2005 "la voix de la nature"
Poèmes, Editions Divan, Suisse
2007 "Mes voisins" 
Poèmes, Franco Pen Verlag, Bonn
2008 ' Femmes pour la paix '
Espace d'art pour la poésie, l'image et la sculpture
Editions Monsenstein et Vannerdat

Livres individuels

2003 „Die Weberin“ (la tisserande)
Poèmes, Editions Andrea Stangl, Allemagne
2005 „An der Schwelle / Na pragu“ (sur le seuil)
Poèmes / Pjesme (allemand et bosniaque)
2008 „Zeichen“ (signe)
Poèmes, Littera Autoren Verlag, Schweiz

 

 

I
SEUL, LOIN DE LA LICORNE

Je fais de mon mieux pour voir son reflet dans d'autres
Alors je démolis et je dilue la nuit,
Je veux être dans leur rêve, dans la pupille de leur oeil
Au cœur de l’identité, au-delà de l'expression
Taillez le mot, le Mot, qui
Éclatera sous le fardeau de l'héritage
Dans une fontaine de voyelles pour que la sagesse
Cachée, dans le moment sacré de création du
Commencement, et dissipera dans mille particules
L’obscurité éternelle, ce mot au sujet de nous.

 

Depuis comme une poussière d'étoile
Moi et la Licorne sommes devenus une
Je trouve par hasard les gens qui
Se ressemblent les uns les autres
Et dont les traits, les caractéristiques
Ne forment séparément plus qu'un seul être
Le seul être qui blesse et
Se consacre à la désolation de sa propre essence
Je suis anxieuse, je ressens un frisson
Quand je vois que ce qui est resté
Des débris de leur vraie nature, et ce qui est resté
Dans leurs âmes, n’est rien
Qu’une danse endiablée d'ombres mortelles.

SAMA, DALEKO OD JEDNOROGA

Nastojim ga u drugima naći
Pa razgradujem, rastvaram noći,
Želim im u san ući, u trešnju usne,
Obilježja identiteta, iza govora
Riječ isklesati onu baš što evo
Zapečaćena nasljeđima pršti
u mlazu vokala da bi se znanje
skriveno, to tajne zametanje
početka u tisuću čestica razišla
davna tama, ta riječ o nama.

Otkad kao zvjezdana prašina
Stopih s Jednorogom sebe
Ja nailazim na ljude koji mi
Se istim onim drugim čine
Koji obiljem svojih obilježja
Raskorijenjeni tvore više bića
Jedne jedine osobe koja boli i
Voli pustoš svakog svog djelića
Osjetim zebnju, strese me stud
Kad vidim, da od onog čime su
Razlistali svoju ćud da ono što
Im se u duši nastanilo nije drugo
Do li mrtvačkih sjena žustro kolo.


II
La Licorne revient

Une Pensée conçue à partir d’un Mot
A suinté dans le Néant
Et l'infini a tremblé.
Mahat Tattva est né.
Moi, séparée de Lui
Consommée par les flammes de la Création
Moi, l’agneau sacrificiel.
Balayé par la tempête du désert de l'illusion
Annihilé par la cruelle Kali Yuga,
Je trace mon chemin
A travers le tourbillon de Désir,
La nuit disparaît,
Le feu meurt,
L'illusion facilite son emprise.
Je pénètre dans le monde du Pouvoir de la Pensée,
Et là je trouve l'amour,
Son appel devient plus distinct.
L'écho m’emporte vers
L'endroit
Où la licorne
Rêve de mon retour.

 

 

Povratak Jednorogu

 

Misao iz Riječi
oplodi Ništa

i beskonačnost uzdrhta.
Rodi se Mahat Tatva.
JA, od Njega se odvojih
i gorjeh vatrom Stvaranja,
ja, svijetu žrtvovana.
Pustinjskom olujom iluzije
zametana
surovom Kali Yuga

brušena;
savladavam vjetrove strasti,
nestaje noć,
vatra stvaranja se gasi
iluzija gubi moć.
Zadirem u svijet Snage misli,
u njemu i Ljubavi,
Njegov zov zvučan biva.
Tim zvukom ja se uznosim
gdje Jednorog
moj povratak sniva.


III
À plus tard

Je lui ai posé
Des milliers de questions,
"Mon cher enfant, des cailloux d'or
Jaillissent soudain de ta bouche ",

Alors il a dit,
' Regarde, ici sont les réponses … "
J'ai regardé,
Et regardé.
Il n’y avait que de l'eau …

Je le sais, maintenant
J’aurais dû m'être jeté à l'eau.

 

 

Kasno je

 

Sa hiljadu pitanja
stala sam pred Njega,
"Dijete, rukohvati klasja
iz tvojih usta pršte",

reče mi,
"Evo, odgovori su ovdje..."
gledala sam,
gledala...
bila je samo voda...

sad znam,
trebalo je zaronuti.

 


IV
Génie

L’éclat dans ses yeux
Reflète la reddition de
L’enfant innocent et inoffensif,
Qui se remplit du désir de vie,
Difficile à maîtriser
En ce jeune âge,
Mais quand l'enfant fait face à l'orchestre
Et avec assurance
Tient la baguette
Et crée un orage de mouvements accomplis
Et que  l'aria divine – une cascade de perles -
Se déverse du ciel
Et le moment où
Avant que le bâton ne soit levé
Il fait une pause
Il se tourne
Il me cherche
Il fait s’arrêter mon coeur
Il fait s’arrêter le temps
Et je me sens
Comment les sons harmonieux
Qui s’élèvent par la corne de la Licorne
Emportent l'enfance
De la caverne tempétueuse
Vers le verger céleste.

 

 

Genius

 

U plamu njegovih očiju,
dijete mi se predaje,
bezazlenoi nespretno
u valovlju življenja
kojeg savladavati
nije naučilo,
ali, kad stane pred orkestar
i samopouzdano

dirigentsku palicu u ruke uzme
a iz nje s ruke mu vične
sijevaju munje
i milozvučna arija - biserni slap
iz svemira izlijevati stane
i onaj momenat, onaj tren,
kad,
prije nego podigne palicu
okrene se
i moj pogled potraži,
zastane mi dah,
stane vrijeme
i ja vidim
kako zvuci harmonije
jedno djetinjstvo
iz pećine nevremena
Jednorogom uzdižu
u nebesko procvjetavanje.

14/05/2011

Poètes d'Europe : Dmytro Tchystiak (Ukraine)

Dmytro Tchystiak 120.jpgDmytro Tchystiak est né à Kiev (Ukraine) en août 1987. Poète, nouvelliste, traducteur littéraire (Maeterlinck, Yourcenar, Bonnefoy, entre autres), critique littéraire et linguiste. Après les études de philologie romane à l’Université Taras Chevtchenko de Kiev, il y prépare un doctorat sur Maeterlinck tout en y enseignant le français et la théorie de la traduction. Lauréat des nombreux prix littéraires pour sa poésie et sa prose, dont PIJA en 2008, Oles’Hontchar en 2010. Ses ouvrages ont paru en Allemagne, en Arménie, en Belgique, aux États-Unis, en France et en Suisse. Membre  de l’Union nationale des Ecrivains d’Ukraine.

Дмитро Чистяк народився у Києві у серпні 1987 р. Поет, новеліст, перекладач художньої літератури (з останнього – М.Метерлінк, М.Юрсенар, І.Бонфуа), літературний критик, одне слово – філолог. Асистент і аспірант кафедри французької філології Інституту філології при КНУ ім. Тараса Шевченка. Лауреат багатьох усеукраїнських і міжнародних літературних премій, серед яких – PIJA-2008 і Премія імені О.Гончара (2010). Твори виходили друком у Бельгії, Вірменії, Німеччині, США, Франції та Швейцарії. Член Національної спілки письменників України.

 

 Traduction de l’auteur

 

 Montagnes

 

vois c’est le glaive qui profère la rivière du feu

vers ces ondines enflammées et l’envol des figures orphélines

l’aigle d’armoise trinité de la rose en accords

clairs à la main enchantée où le sang rejaillit tel un rire

à renverser les collines vers les mers desséchées

onde après onde les monts se retrouvent en chantant

ciel après ciel se retrouvent dans ta voix ineffable

morne oiseau ignorant tes clartés éclatées

 

II

 

mais aux confins de ces lunes moroses aux brouillards flamboyants

dans le reflet d’une journée en allée vers l’amen de la source

ombres des pierres tracassant l’eau bleutée ces clochettes

écarlates ces chevaux écarlates à l’envol sur les pousses

premières de blancheur tout déchire ton regard comme une foudre

ô miroitement souterrain comme une lame de rayons entamant

thrènes pour un monde en allée ces fleurs mordorées

ont tissé voix cloche à cloche oh ! si loin !

cloche à cloche ! ou une faux aux collines sous peu enneigées

par un matin chaud d’enfer la rosée triomphante de nuit

la lumière si première est tombée et tu trembles de chœurs

à la source une faible vapeur scintillante et la faux terrassant

la clarté cloche à cloche à ta bouche florissant de quel cri

tout-puissant il te fauche ! il te fauche ! et pourtant

ce regard de bleuet en allée vers le ciel de ce corps vaporeux

à la faux et ces cloches à l’église aux villages des vents

un regard embrassant tout un ciel puis la cloche qui tinte

suspendue et le sang est tombé de la main du faucheur

goutte à goutte sur les pousses si blanches oh ! quel cri tout-puissant l’a fauché sans faucher le regard amoureux oh ! collines

corps à perte de vue blancs si blancs et la cloche appelant

tout un monde vers le bleu du regard éclatant ô mon frère

de passage aux clartés tu me voiles de joie à ta lame de faux

d’un amour à renaître dis-moi si ton chant a duré par la plaie

au regard amoureux mais l’éclat a viré en argent et

les fleurs écarlates ont tremblé crépuscule et ces cloches d’église

te rappellent au portail de ta nuit

 

rien qu’une lame de lumière a suffi

et la voix retrouvée

III

 

déjà le temps est vert déjà la terre

t’appelle sans une issue aux retrouvailles

mais point de deuils où la journée tomba

ces pierres murmurent encore du chant de source

et ces racines qui tremblent de feuillage

sans une issue aussi aux retrouvailles

 

apporte ce songe des pierres des eaux et d’or

aux grands soleils couchés à transparaître

de pleurs de lune encore si ces vergers

paroles troubles cloches à l’unisson

ne sont que songes la terre brûlant de naître

vers les hauteurs

 

горнє

 

I

зрине з меча на розвидень ріка золота

в мерехті білих ундин і в орфеєвім леті на водах

трійцею руж полиновим розкриллям орла

тчеться і тчеться рука ув оберненні божім

кров мою сміхом одмарює море за морем

хвиля за хвилею гори горять і говорять

небо за небом але у ясі неодмінній

тихе пташа повертайся вертайся вертай

 

II

там де зійшовся холодний туман із оглушливим блиском дня криком ріки і камінною тінню на водах там де дзвіночки лілові і коні лілові злітались у сплеск перший ромашковий вицвіт і все! громом! огромом! тільки земля проти ночі палає крізь кригу теплом неохопним ніби зсередини променем ріже і вже поминальну тужбу навзаходи світові тче золотою а птаха все квилить і хвилить оздобу лілову і ріже ріже тихеньке подзвіння ніби хтось косить незбутню траву узимі ранком високої спеки а ще ж непекельно ще росяні трави яса так ніби вперше рекла слово облетом на землю і озираєшся понад рікою на хори косить і косить а ніби нікого випари тіні туману й одміни вихльостом ріжуть і дзвонять! і дзвонять! а дихання часте квітне в обличчя холодною м’ятою Господи крику якого! косить і косить а високо квітне блакитний погляд із тіла імлистого прозір укляк і не може ніяк надивитись на чудо а дзвонить уже над церковцею там угорі за селитьбами вітру туди погляд лиш марева долинає на дзвоні останньому кров із грудей рветься на сині волошки на сині крапля за краплею тільки ж не чує а прозором вись виціловує Господи крику якого уже не волошки тіла без кінця білі-пребілі і падає падає дзвін мов накликає а мева до сині до сині прозором тихий герою з отих що виводять у край животворний там де лиш літо високе з любові з любові спів у полях не заходить на вістрі коси брате речи! вже світло на синяву сходить зі срібла в лілове ніби з волошки зринаєш у вечір у дзвони сільської церковці і догори, догори прозори правдять надію все тільки поруч і сад зацвітає на крайці темрявій дзвони церковці

 

ударили в біле й лілове і повертається

край повертається край

 

III

уже зелені падоли, уже земля

тобі затерпла неодмінно

лиш не жалобою на схилку дня

найменший камінь зазвучав ручайно

а голос кореневий забринів

у листі і в тобі непроминально

 

цей сон камінний водний золотий

візьми зі згаслих сонць у переходи

і ним речи у місячні краї

хай маревом лягли ясні сади

живі слова і тихі благовісти

що розвертають окрик догори

01/05/2011

Poètes d'Europe - Bećir Vuković (Montenegro)

Becir Vukovic 120.jpgBećir Vuković est le 3 avril 1954 à Kolasin. Il a étudié la littérature yougoslave et internationale à la faculté de philologie de Belgrade.

De 1980 à ce jour, il a publié une quinzaine d’ouvrages de poésie, dont plusieurs ont été récompensés par des prix nationaux et internationaux: Il est le rédacteur-en-chef de la revue « Srpski jug ».

Il est président de’'associationdes auteurs serbes du Montenegro et d’Herzégovine, et un membre régulier de MaticaSrpska. Ses poèmes ont été traduits en français, russe, italien, polonais, bulgare, turc et macédonien.

Il habite à Podgorica.

Poèmes traduits en français par Athanase Vantchev de Thracy

 

I.

CE N'EST PAS DRÔLE

Alors Dieu
Entassa
Les nuages
Dans sa barbe et, en guise
D’oreiller, il plaça
Un nuage blanc sous sa tête, et partit
Se reposer.

Bon.
Ainsi fit Dieu.

Tes œuvres sont superbes,
Mais, mon Dieu,
Va, dis-moi donc,
Ce que tu faisais
Avant de créer le monde,
Tournant autour
Du trône, demanda un
Fou sagace.

Pas drôles, tes questions !
J'ai érigé les remparts de l'Enfer,
J’ai forgé des chaudrons et des cuves
Pour ceux qui viendraient poser
Ce genre de questions,

Et il frappa le petit imbécile
Sur la tête.

Caracolant sur les cartes représentant la Terre,
Bondissant
D’un monde à l’autre,
Le bouffon répondit :

Va, vieillard, arrête de maquiller
L’univers.

NIJE SMEŠNO

Ondа Bog,
ušuškаo
oblаkove
po brаdi, umesto
jаstukа nаmestio
beli oblаk, krenuo
dа odmori

Dobro.
Bogаmi imа togа.

Velikа su delа tvojа,
аli, Bože,
de, kаži mi,
štа si rаdio
pre stvаrаnjа svetа,
motаjući se oko stubovа
prestolа, pitаlа prepredenа
ludа.

Nije smešno,
zidаo sаm bedeme pаklа
i kovаo kаzаne i kotlove
zа one koji će postаvljаti
tаkvа pitаnjа,

i pomilovаo ludicu
po čuturici.

Igrаjući po mаpаmа,
skаkućući iz
svetа u svet
ludа odgovorilа:

hаjde, čičа, ne izmišljаj.

II

SAXON

Brskovo,
A été mentionné
Pour la première fois
Dans la Chartes du roi Ouros Ier
En la cité de Ston.

Les terrassiers,
Les mineurs, étaient des Saxons.
Ils jugeaient comestibles les jambes du cheval
Tant qu’il se tient debout. Ils pourraient, en effet,
Les dévorer tous les quatre.

Mais, une fois pour toutes,
Le philosophe allemand,
Wolfgang Overath,
Le chef de fil des pessimistes,
A mis fin
A ce cas de figure.

Y a-t-il des Saxons à présent
Dans les gorges de Tara ?
Oui, bien sûr !

Sont Saxons tous ceux
Dont
Les cheveux roux
Poussent drus sur la tête.
Ceux qui n’ont pas de sourcils,
Qui ont pleins de taches de rousseur
A leurs poignets
Et sur leurs paupières.
Les taches de rousseur sur la peau, sont la marque
Des Saxons.

Quand la neige commence à tomber,
Les Saxons se cachent dans leurs tanières,
Ils ne se fréquentent pas. En Hiver, oh, en hiver
On ne trouve nulle part leurs traces dans la région de Tara.

Les Saxons portent de longs manteaux,
Comme s’ils dissimulaient leurs queues.

Il n’existe rien de moins esthétique
Que les Saxons.

Glose :

La ville de Brskovo qui a prospéré entre 1270 et 1351 et a compté jusqu’à 40 000 habitants, est mentionnée pour la première fois à Ston dans une Charte du roi Uros Ier à Ston. Ston était la troisième ville par son importance, juste après Dubrovnik et Kotor. La ville de Biskovo a été fondée par le roi Uros qui avait épousé Hélène d’Anjou. Cette dernière a été la première femme canonisée par l’Eglise serbe.

SAS

Brskovo,
nа Stonu,
prvi put pominje,
Poveljа Urošа Prvog,

Kopаči,
rudаri, bili Sаsi.
Smаtrаli jestivim noge konjа
dok 'аt stoji, oglođu sve četir'.

Ali, jednom i zаuvek,
nemаčki filozof,
Volfgаng Overаt,
vođа pesimistа,
stаvio tаčku,
nа tаj slučаj.

Imа li dаnаs iko od Sаsа
dolinom Potаrjа.
Bezbeli, još kаko.

Svаko j Sаs
kome divljа
crvenа kosа
rаste uz glаvu,
koje neimа zenice, 
ko j pegаvo.

po zglobovimа
i kаpcimа, kome,
pege, kožu, ispisаle,
Sаs.

Otkаko pаdne sneg,
Sаsi ne izlаze iz rupа,
ne trаgаju se. Zimi o ne
nigde trаgovа Potаrjem.

Sаsi nose dugаčke kаpute,
Kаo dа skrivаju repove.

Nemа niče mаnje estetskog, od
Sаsа.

En savoir plus : http://www.poetasdelmundo.com/verInfo_europa.asp?ID=7170 (en anglais)